Maroc : au Baromètre, Badr Chguifi sublime les parfums méditerranéens

« Marrakech, capitale de la gastronomie » (6/6). Les amateurs de cocktails n’ont que son nom à la bouche. Mais cet établissement branché attire aussi les fins palais de tous bords, qui y trouvent une carte typiquement dans l’air du temps.

Badr Chguifi, au Baromètre. © Naoufal Sbaoui pour JA

Publié le 26 février 2022 Lecture : 4 minutes.

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Marrakech, capitale de la gastronomie : à la rencontre des grands chefs marocains

Issam Rhachi, Nargisse Benkabbou, Aniss Meski, Erwann Lance, Khouloud Belkahia, Faiçal Zahraoui. À Marrakech, la simple mention de leur nom donne l’eau à la bouche des gastronomes. Rencontre avec la nouvelle génération des grands chefs de la Ville rouge.

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Lorsque la nuit tombe à Marrakech, un nom revient sur toutes les lèvres. Aux questions « que faire ce soir, où boire un verre, où manger ? », toujours la même réponse : « Le Baromètre ! » À l’adresse indiquée, dans le quartier de Guéliz, pas de devanture qui ferait penser à un bar ou à un restaurant. Juste une porte noire qui ne paie pas de mine, avec un gros « B » inscrit dessus. Après avoir emprunté un petit escalier exigu, on arrive dans une cave qui pourrait tout aussi bien être l’atelier de Panoramix. L’endroit aux lumières tamisées donne l’impression d’avoir fait un bond dans le temps, et de se retrouver à l’époque de la prohibition, ou d’avoir atterri dans un speakeasy new-yorkais, au choix.

Laboratoire d’expériences culinaires et mixologiques

Sur le bar, des centaines de pots à épices, d’herbes aromatiques et de bizarreries fermentées attendent d’être utilisés pour la préparation des cocktails ingénieux (mais pas donnés). Au Baromètre, on commence par lire la longue carte des recettes à boire, où l’on choisit l’option sur-mesure après entretien avec le barman.

Chaque création se déguste avec une décoration qui prend plus de place que le verre

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Dans ce laboratoire d’expériences culinaires et mixologiques se déroulent de drôles de rencontres. Comme avec cette salade composée de roquette, graines de courge et tomates séchées, plongée dans un verre à pied arrosé d’une… Margarita. Après tout, pourquoi pas ? On a rarement pris tant de plaisir à se passer de vinaigrette. Chaque création se déguste avec une décoration qui prend plus de place que le verre.

Au bout d’un étroit couloir, on passe du bar à la salle à manger. Que dit l’assiette ? Le chef Badr Chguifi revient sur la manière dont il a concocté son menu aux couleurs de la Méditerranée, mais aussi sur sa découverte du projet des créateurs du lieu, les frères Hamza et Sofiane Hadni.

Le mhamsa, un plat signature

Dans sa jeunesse, Badr s’était lancé dans une carrière de sportif. Éphémère, car il sait déjà que sa voie est ailleurs. « Dès petit, je me sentais attiré par la restauration. Les poêles, les cuillères, le bruit de la cuisine. J’ai grandi avec ça », se souvient-il. Quand il demande à son père, lui-même chef réputé à Marrakech, de le suivre dans la danse des fourneaux, la réponse est d’abord non. Puis le patriarche cède. Le jeune Chguifi est formé, un peu à la dure, par le père, avant de suivre d’autres toques renommées du milieu.

Les trois se mettent d’accord : le menu sera « méditerranéen, raffiné, gastro… et fera la part belle à une cuisine authentique »

Après être passé par les cuisines du Sofitel, du Medina Loft et d’autres maisons de Marrakech, le jeune cuisinier se met au consulting. C’est dans ce cadre que les deux frères Hadni le contactent pour l’ouverture du Baromètre. Ce qu’ils lui proposent ? Concevoir la carte et être le chef exécutif. Badr Chguifi les rencontre trois fois avant d’accepter l’offre : il a d’abord besoin de sentir l’ambiance. Ensemble, les trois partenaires se mettent d’accord : le menu sera « méditerranéen, raffiné, gastro… mais fera aussi la part belle à une cuisine authentique (avec des plats allant de 195 à 240 dirhams, soit 18 à 22,50 euros). On voulait des propositions originales mariées à des produits du terroir. Des recettes d’enfance revues, améliorées, avec une présentation moderne », explique-t-il.

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Le premier plat du menu est le mhamsa, une recette traditionnelle maghrébine. « Quand je rentrais de l’école, je demandais toujours à ma mère ce qu’il y avait à manger, elle me disait : mhamsa. C’était vrai pour le petit déjeuner, pour le déjeuner, pour le dîner… Toujours du mhamsa. Parfois avec du poulet, parfois avec du lait, parfois à la cannelle ou au fromage… La magie de ce plat, c’est qu’à chaque fois qu’on lui ajoute un ingrédient, il se transforme en autre chose », sourit Badr. Il en mange tellement que, de retour à l’école après un week-end, alors que la maîtresse l’interroge sur ce qu’il a fait hier, il répond « mhamsa, madame ». Ce symbole d’enfance ne pouvait donc que figurer sur sa carte.

Il le propose aux deux associés. « Trop marocain », lui répond-on. Le lieu se façonne une carte d’identité branchée, en marge des restaurants traditionnels, le mhamsa n’a rien à faire là. Mais Badr insiste un peu. « Je leur ai dit : on essaye, et on voit ce que ça donne. » Grand bien lui en a pris, c’est devenu un plat signature du Baromètre. À la façon de sa mère, il twiste complètement la recette, qu’il cuisine façon risotto, avec des palourdes. À la dégustation, le résultat offre un savoureux mélange de familier et de surprenant. Cerise sur le gâteau : quatre fois par an, le plat se refait une beauté, les garnitures changent, les produits sont adaptés en fonction des saisons.

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Retrouvez tous les épisodes de notre série « Marrakech, capitale de la gastronomie »

Épisode 1 : Au Douar, Issam Rhachi réinvente la cuisine des campagnes
Épisode 2 : Avec L’mida, Nargisse Benkabbou convertit la médina à la cuisine fusion
Épisode 3 : Au Petit Cornichon, Erwann Lance conjugue bistronomie et bonne franquette
Épisode 4 : Le Mouton noir d’Aniss Meski, une cantine entre junk food bien faite et cuisine du marché
Épisode 5 : À l’Azalai Urban Souk, Khouloud Belkahia et Faiçal Zahraoui mêlent tradition et modernité

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