Pour en finir avec les clichés

Destinée à améliorer l’efficacité des programmes de prévention des MST, la première étude mondiale comparative balaie nombre d’idées reçues.

Publié le 4 décembre 2006 Lecture : 4 minutes.

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les comportements sexuels des habitants de cinquante-neuf pays répartis sur les cinq continents grâce à la première étude mondiale comparative publiée le 1er novembre par la revue médicale britannique The Lancet. Conduite par le professeur Kaye Wellings et son équipe, cette étude a pour objectif d’améliorer l’efficacité des programmes de prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST). Les résultats sont surprenants. Parmi les idées reçues auxquelles les chercheurs tordent le cou : les Subsahariens ont une vie sexuelle très active, les jeunes perdent leur virginité de plus en plus tôt, les couples mariés font moins l’amour que les célibataires, ce sont dans les régions du monde où l’on multiplie les partenaires que les MST se propagent le plus, etc.
Constat préliminaire : dans la majorité des pays, « la monogamie reste le schéma dominant ». Mais, première surprise, la multiplication des partenaires est plus répandue dans les pays riches que dans les pays en développement, notamment chez les hommes. Rien d’étonnant à cela, ces derniers ayant tendance à exagérer le nombre de leurs conquêtes, tandis que les femmes vont, au contraire, le minimiser. Autre constat inattendu : les personnes mariées ont plus de rapports sexuels que les célibataires. Par ailleurs, et contrairement aux préjugés, les jeunes célibataires sont sexuellement plus actifs dans les pays riches que dans les pays en développement, où seulement deux tiers d’entre eux font état d’un récent rapport, contre les trois quarts dans les pays riches.
L’âge du premier rapport sexuel n’a pas bougé et se situe toujours entre 15 ans et 19 ans. En France, moins de 10 % des adolescents ont leur premier rapport sexuel avant 15 ans. Dans certains pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud, où le mariage précoce des femmes reste ancré dans les traditions, il arrive que les premiers ébats interviennent plus tôt. À noter également que dans les pays occidentaux, l’âge de la « première fois » tend à s’uniformiser entre les hommes et les femmes : autour de 17 ans et demi. En revanche, dans la plupart des pays subsahariens et asiatiques, les hommes commencent leur vie sexuelle bien plus tard que les femmes. On observe jusqu’à six ans d’écart en Indonésie (24,5 ans pour les garçons et 18,5 ans pour les filles). Ce qui a fortement progressé, en revanche, c’est l’âge du mariage. On convole de plus en plus tard en justes noces dans la majorité des cinquante-neuf pays. Conséquence : la fréquence des relations sexuelles avant le mariage augmente, comme en Chine, où les jeunes sont de plus en plus nombreux à transgresser un tabou vieux de plusieurs millénaires.
Autre cliché balayé par l’étude : ce n’est pas la multiplicité des partenaires qui explique les taux élevés de MST ou d’infection par le virus du sida (VIH). Dans les pays industrialisés, là où le nombre de partenaires est le plus élevé, on enregistre les taux de MST les plus faibles. Ce qui tend à démontrer que les facteurs sociaux – statut de la femme, pauvreté, manque de moyens de prévention – jouent un rôle déterminant en matière de santé sexuelle. Un détail qui a aussi son importance : on pense généralement que le mariage représente la « sécurité », mais, dans plusieurs pays, il comporte d’importants risques d’infection par le VIH pour les femmes. En Ouganda, par exemple, l’épidémie de sida progresse plus vite chez les femmes mariées. Explication : celles-ci rechignent à demander à leur mari d’utiliser un préservatif, car cela reviendrait à le soupçonner d’infidélité. Elles ne sont que 26 % à penser le contraire.
Le rapport met aussi en avant des exemples à suivre, comme celui de la Thaïlande, où l’utilisation du préservatif a été adoptée à 90 % à la suite d’une campagne officielle visant à en promouvoir l’usage universel dans les maisons closes. Le Cambodge est lui aussi salué pour son programme ?destiné à encourager les jeunes gens ?à éviter les comportements à risques.
Mais ces deux modèles sont l’exception qui confirme la règle : ailleurs, la situation est alarmante. Or les rapports sexuels à risques sont la deuxième cause de maladie et de décès dans les pays en développement, et la neuvième dans les pays développés. Certes, l’accès à la contraception s’est élargi dans le monde, mais on estime encore à 120 millions le nombre de couples qui ne peuvent pas se procurer les moyens contraceptifs qu’ils souhaitent utiliser ou dont ils auraient besoin. Sans oublier que, chaque année, on compte 80 millions de grossesses non désirées, dont 45 millions sont interrompues. Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cités dans l’enquête, 19 millions d’avortements non médicalisés sont pratiqués annuellement, lesquels se soldent par quelque 68 000 décès et des millions de handicapées permanentes.
Outre l’abandon des mythes et des préjugés qui entourent les comportements sexuels, les chercheurs préconisent un assortiment de stratégies de prévention. Ils mettent notamment en garde contre les solutions rapides et les panacées en insistant tout particulièrement sur la nécessité de centrer l’action sur le lien de cause à effet entre, d’une part, la mauvaise santé sexuelle et, d’autre part, la pauvreté et l’inégalité hommes-femmes.

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