Notre homme à Bagdad

À Amman, George W. Bush a renouvelé sa confiance à Nouri al-Maliki, le très contesté Premier ministre irakien. Il est vrai qu’il n’avait guère d’autre choix.

Publié le 4 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Condoleezza Rice, la secrétaire d’État, ayant été dépêchée à Jéricho et à Jérusalem pour tenter de consolider la fragile trêve entre Tsahal et les fractions armées du Fatah et du Hamas, George W. Bush a pu se consacrer exclusivement au dossier irakien au cours de la visite qu’il a faite à Amman, les 29 et 30 novembre. Un Irak qui sombre dans la guerre civile (même si le président américain conteste le mot) et où l’impasse politique paraît totale. Au plan militaire, la situation n’est pas brillante. La veille de son arrivée dans la capitale jordanienne, Bush a appris que les insurgés de Fallouja venaient d’abattre un F16 et de contraindre un hélicoptère à atterrir en catastrophe dans un champ près de Bagdad. Pis, selon certaines informations, les insurgés se seraient procuré des missiles sol-air sophistiqués. Un vrai cauchemar pour les pilotes de l’US Air Force.
Dans l’avion en provenance de Riga, en Lettonie, où, la veille, il avait participé au Sommet de l’Otan, Bush appréhendait manifestement sa rencontre avec Nouri al-Maliki, le Premier ministre irakien, aussi contesté chez lui qu’il est controversé aux États-Unis. Pourtant, this guy (« ce gars », « ce type »), comme il l’appelle désormais, n’en demeure pas moins le seul interlocuteur possible. Au moins dans l’immédiat. Dans son édition du 29 novembre – le jour même de la rencontre -, le New York Times a publié une note confidentielle en date du 8 novembre dans laquelle Stephane Hadley, le conseiller de la Maison Blanche pour la sécurité nationale, ne cache pas les doutes que lui inspire Maliki. Incapable de s’opposer à des milices chiites transformées en escadrons de la mort et de fédérer les forces modérées, celui-ci ne lui paraît pas être « l’homme de la situation ». Hadley sait de quoi il parle puisqu’il a longuement rencontré le chef du gouvernement irakien, le 30 octobre, à Bagdad. La vérité est que Maliki a été imposé, il y a six mois, par ces mêmes milices chiites, qui ne voulaient plus entendre parler d’Ibrahim Jaafari, son prédécesseur. Et que le Premier ministre est aujourd’hui contraint de couvrir leurs exactions et de favoriser leur entrisme dans l’armée et les services de sécurité. Bref, il en est l’otage.
La publication de cette note n’a évidemment pas contribué à éclaircir le climat de la rencontre. À peine arrivé à Amman, Bush a d’ailleurs annoncé qu’il ne pourrait, « faute de temps », assister au dîner donné en son honneur par Abdallah II, au palais royal. La rencontre avec Maliki a donc été reportée au lendemain. Le scoop du New York Times n’est, semble-t-il, pour rien dans ce contretemps. Le président tenait absolument à suivre en direct à la télévision les débats de la commission des Affaires étrangères du Congrès. Les parlementaires examinaient en effet, ce même jour, le rapport sur l’Irak de la commission codirigée par l’ancien secrétaire d’État James Baker et le démocrate Lee Hamilton.
Le lendemain, 30 novembre, Bush a donc pris son breakfast avec un Maliki humilié par l’annulation du rendez-vous de la veille. Et, surtout, fragilisé par la décision des partisans du leader chiite extrémiste Moqtada Sadr (cinq ministres et un tiers des députés) de geler leur participation aux institutions de la République pour protester contre la rencontre.
Le président américain a mangé de bon appétit ses ufs au bacon, tandis que Maliki touchait à peine son foul medamas, des fèves sautées dans de la graisse de chamelle. L’Irakien a tenté de convaincre son interlocuteur que, contrairement aux commentaires de Hadley, il reste bien « l’homme de la situation ». À condition que Washington le soutienne en augmentant ses effectifs militaires et en accélérant la formation de l’armée irakienne pour la préparer à prendre plus efficacement en charge les problèmes de sécurité. Pour l’obtenir, Maliki a dit avec application ce que Bush avait envie d’entendre. À savoir que l’Irak n’est pas en état de guerre civile. Et qu’al-Qaïda et le terrorisme islamiste constituent bien la menace majeure. Bush avait quant à lui à l’esprit les recommandations de la commission Baker-Hamilton, dont le rapport sera rendu public le 6 décembre, qui suggèrent d’associer les pays voisins à une éventuelle sortie de crise. Il a donc demandé à Maliki d’explorer cette voie en multipliant les contacts avec la Syrie et l’Iran, ces éminents représentants de « l’axe du Mal ». Maliki en a pris l’engagement.
Au cours de la conférence de presse donnée conjointement par les deux hommes, Bush a estimé que Maliki était the right guy, l’homme qu’il faut pour l’Irak. Autrement dit : « notre homme à Bagdad ».

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires