Loin de Bamako

Au cur du Pays dogon, la pénurie d’eau aggrave la pauvreté et son corrolaire, le sida. Au grand dam des anciens, qui tentent d’organiser la lutte.

Publié le 4 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Les touristes, adeptes du trekking dans les falaises rouges de Bandiagara, au Mali, ignorent le prix de leur confort quand, au retour d’une longue randonnée dans les villages accrochés à la falaise, ils laissent couler la douche plus longtemps que nécessaire. À l’Auberge de la femme dogon, un petit écriteau, un peu délavé, indique pourtant : « Faites attention, l’eau est rare » La ration quotidienne tirée du puits est déjà de 4 000 litres ; il en faudrait au moins 2 000 de plus pour accueillir davantage de clientèle. Pendant ce temps-là, pour entretenir leurs petites cultures d’oignons, les paysans dogons font des prouesses, exploitant les puits tant qu’ils ne sont pas taris, les mares avant qu’elles ne s’évaporent
Mais il arrive un moment, vers la fin mai, où l’aridité reprend le dessus. Et depuis ces trente dernières années, le Pays dogon a vu se succéder des sécheresses rapprochées. C’est le temps où les jeunes filles, souvent pubères, « partent à l’aventure », celles dont les familles ne peuvent plus nourrir toutes les bouches. Elles se proposent comme aides-ménagères aux familles bamakoises. Trop souvent ces petites bonnes tombent sur des employeurs peu scrupuleux qui les exploitent et parfois abusent de leur corps, leur faisant courir de grands risques de contamination vénérienne. Si, dans l’ensemble du Mali la prévalence du sida avoisine 1,9 %, elle est à Bamako de 2,5 % (Arcat sida).
À Amani, beau village sous la falaise de Sangha, fondé vers le XIe siècle, l’un des plus attachés aux valeurs ancestrales, un vent d’humiliation a soufflé dès 2001 : les jeunes filles déjà promises revenaient de la ville de plus en plus souvent enceintes, hors mariage. Pis ! On constatait qu’un grand nombre d’entre elles avaient contracté le virus du sida. Dans cette société si bien structurée, les anciens décidèrent une incursion à Bamako avec le soutien de certains de leurs fils établis dans la capitale. Aucune caméra n’était là, et c’est dommage, car ce jour de septembre 2001 demeure mémorable : pris d’effroi devant la situation des filles, les gens d’Amani louèrent un vieil autobus pour ramener séance tenante une cinquantaine d’entre elles. On leur confia des maraîchages pour subvenir à leurs besoins. Malheureusement, les sécheresses récurrentes ont mis en péril cette initiative. Dernier espoir : l’association villageoise pour le développement d’Amani (Adam) se bat pour la réalisation d’un barrage sur la rivière Boron, dont il suffirait d’entraver le débit afin de répartir, à la saison sèche, l’eau de la saison des pluies. Une dizaine de villages pourraient en bénéficier. Le gouvernement du Mali, conscient de l’effort de ces communautés dogons dont le projet rentre dans la politique nationale de « mobilisation des ressources en eau non pérennes pour mettre l’agriculture à l’abri des aléas climatiques », vient d’inscrire le barrage de Daga dans ses prochaines réalisations hydrauliques. Sécuriser le Pays dogon en eau n’est-il pas une priorité ? Ce Patrimoine de l’humanité reconnu comme tel depuis 1988 n’a reçu de l’Unesco aucun soutien financier pour son développement. « Rien que des promesses », selon le maire de Sangha. Pourtant, sans les Dogons, le sanctuaire de Sangha ne serait plus qu’un amas de pierres désolé.

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