Le pardon des offenses

Publié le 4 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Un pape qui fait amende honorable, un Premier ministre « démocrate-islamiste » qui renonce à bouder Après une succession de maladresses et de réactions épidermiques, chacun a retrouvé le sens de ses intérêts, et le voyage de Benoît XVI en Turquie, du 28 novembre au 1er décembre, a pu se dérouler dans un climat apaisé.
Les choses n’allaient pas de soi. Tant par rigorisme religieux que pour complaire à la base conservatrice de son parti, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait d’abord décidé de « boycotter » le pape en invoquant son départ pour le Sommet de l’Otan, à Riga. Mais lui qui se proclame le champion du rapprochement entre les civilisations pouvait difficilement faire preuve d’une telle intolérance. Surtout, la visite de Benoît XVI tombait à pic pour atténuer le coup de froid entre la Turquie et l’Union européenne (UE). Prenant argument du refus d’Ankara d’ouvrir ses ports et aéroports aux navires et avions chypriotes, la Commission de Bruxelles a en effet proposé aux pays membres de l’UE un gel de huit des trente-cinq chapitres des négociations d’adhésion.
En bon politique, Erdogan a donc accueilli le pape dès sa descente d’avion et s’est entretenu avec lui pendant une vingtaine de minutes, avant d’affirmer, un peu vite, que son hôte était devenu favorable à l’adhésion de la Turquie à l’UE ! Le porte-parole du Saint-Siège a été contraint de préciser que ce dernier n’avait pas de « compétence politique » pour juger d’une telle question, mais qu’il « encourageait » un rapprochement fondé sur « des valeurs communes ». Ce qui, comme Benoît XVI l’a rappelé lors de sa visite à la Maison de Marie, à Éphèse, implique que la Turquie accorde une « liberté effective » à ses minorités chrétiennes (100 000 fidèles) et un véritable statut juridique à leurs Églises. Restent notamment à régler le problème de la restitution des biens immobiliers confisqués aux fondations religieuses à partir de 1974, et la reconnaissance du statut « cuménique » du patriarche Bartholomée Ier, chef de file de quelque 300 millions d’orthodoxes dans le monde, mais que les Turcs cantonnent au rôle de représentant des 5 000 Grecs orthodoxes du pays.
Il n’empêche : la réconciliation de Benoît XVI avec la Turquie est appréciable. En 2004, celui qui n’était encore que le cardinal Ratzinger avait commis le péché – capital aux yeux du très nationaliste peuple turc – de marquer son hostilité à l’adhésion d’Ankara à une UE aux racines chrétiennes. Il avait aggravé son cas en septembre dernier à Ratisbonne : ses propos maladroits sur l’islam avaient suscité l’indignation du monde musulman. À Ankara, le grand mufti Ali Bardakoglu avait réagi avec virulence. « Le cur du pape est empli de haine », avait lancé ce fonctionnaire d’État, depuis son bureau des affaires religieuses où trône le portrait de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la République laïque !
Résultat : avant de s’entretenir avec Bartholomée Ier – objet initial de sa visite -, le pape a adressé ses « salutations cordiales au cher peuple turc, à l’histoire et à la culture si riches », s’est incliné devant le mausolée d’Atatürk à Ankara, a fait la paix avec Bardakoglu et s’est recueilli à la Mosquée bleue d’Istanbul. En brandissant un petit drapeau turc et en se déclarant ouvert au dialogue avec les religions non chrétiennes, il a plutôt agréablement surpris, même s’il a davantage mobilisé les services de sécurité que les foules.
On aura remarqué au passage la faiblesse des manifestations islamistes : le Saadet (Parti du Bonheur) et une poussière de groupuscules n’ont réuni que 20 000 personnes, le 26 novembre, dans un quartier excentré d’Istanbul.

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