Le grand perdant

Plantations au Nord, clients et fournisseurs au Sud… Déjà mal en point avant la partition du pays, la production d’or blanc est en chute libre.

Publié le 4 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

L’or blanc victime des taxes ? Au regard des prélèvements pratiqués dans la filière cacao, celles qui touchent la fibre blanche paraissent ridiculement faibles : elles s’élèvent en tout à 17 F CFA par kilo. « Là-dessus, rien ne va à l’État. Il n’y a pas de droit unique de sortie sur le coton comme il y en a un sur le cacao », rappelle Mali Mkopo, directeur général de l’Autorité de régulation du coton et de l’anacarde (Areca), une structure créée en 2002 pour superviser le secteur. Les redevances sont versées à l’Areca, à l’Intercoton, qui regroupe les différents intervenants de la filière, et, depuis 2005, aux Unions de coopératives et à un partenaire chargé du contrôle qualité, Audit Contrôle & Expertise. C’est cette dernière structure, une société suisse déjà impliquée dans le secteur cacao, qui touche le plus de redevances : près de 1 milliard de F CFA estimé en 2005-2006. Un chiffre qui provoque des grincements de dents. Car il faut dire que le sort du coton est des plus inquiétants, avec, d’un côté, des cours internationaux trop bas, et de l’autre, une filière presque totalement désorganisée. Définitivement libéralisée en 2000, après une période transitoire de deux ans, elle commençait seulement à se réorganiser quand la partition de la Côte d’Ivoire s’est produite en septembre 2002. Une organisation bâtie autour de l’Areca, des coopératives de producteurs et des trois égreneurs, chacun étant à l’origine en charge d’une région bien déterminée. LCCI, filiale du groupe malien L’Aiglon, au nord-est, Ivoire Coton, du groupe IPS-Aga Khan au nord-ouest, et la Compagnie ivoirienne pour le développement des textiles (CIDT) au centre. Deux autres égreneurs, créés par les paysans et nommés Dopa et Sicosa, sont venus depuis s’ajouter à la liste. Avec la crise, toutes ont été victimes d’un même cycle infernal : la chute brutale des cours entraînant d’importantes pertes financières pour les égreneurs, devenus incapables de payer les paysans, et l’arrêt de la recherche cotonnière entraînant une diminution des rendements. Au final, LCCI est en liquidation depuis quelques mois, laissant quatre usines pour l’instant à l’abandon. La CIDT, Dopa et Sicosa connaissent également de grandes difficultés. Seule Ivoire Coton s’en sort correctement. Au final, la production varie d’année en année depuis septembre 2002 : de 396 000 tonnes de coton-graine en 2002-2003, elle est passée à 186 000 tonnes en 2003-2004, pour rebondir à 267 000 tonnes en 2005-2006. Les dettes non payées aux paysans se sont accumulées. Elles s’élèveraient, selon Seydou Soro, directeur général de l’Union régionale des entreprises coopératives de la zone des savanes (Urecos-CI) et de l’Intercoton (l’interprofession), à « plus de 15 milliards de F CFA, dont environ 8,5 milliards pour LCCI, 4,5 milliards pour la CIDT, et 2 milliards chacun pour Sicosa et Ivoire Coton ». L’État, notamment, est montré du doigt : il ne paierait plus depuis trois ans les subventions promises. Les paysans, face à la pauvreté, vendent quant à eux chaque année une partie de leur production à des intermédiaires travaillant avec le Burkina et le Mali…
Politiquement, l’équation est complexe : la majorité de la région cotonnière est contrôlée par les Forces nouvelles (FN, ex-rébellion), mais la fibre et les intrants passent nécessairement par les ports ivoiriens, tous situés au sud du pays, sous contrôle gouvernemental, et l’une des sociétés d’égrenage, la CIDT, est détenue par l’État. Du coup, les égreneurs ont été touchés par les enjeux politiques. Fin 2002, peu après le déclenchement de la crise, la Sicosa, dont l’usine avait été inaugurée quelques mois plus tôt, annonçait avoir perdu pour 1,5 milliard de F CFA de balles de coton brûlées. Début 2005, les FN ont décrété le blocage des transports effectués par la CIDT. Quelques mois plus tard, les rebelles ont même paralysé l’activité de LCCI, accusée de ne plus payer les paysans. Signe d’espoir : quatre ans après la rébellion, les usines sont d’aplomb, prêtes à tourner à plein régime. En tout, la capacité industrielle du pays atteint 490 000 tonnes. Néanmoins, les recherches sont à l’arrêt, le Centre national de recherche agronomique de Bouaké ayant été fermé. Les rendements à l’hectare diminuent chaque année et sont passés en quelques années de 1,5 tonne à moins d’une tonne.

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