Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 5 octobre 2004 Lecture : 8 minutes.

Dors en paix, Samira
Merci à Valérie Thorin pour l’adieu à notre soeur et fille Samira Bellil (J.A.I. n° 2279). J’aimerais, à travers « mon » magazine préféré, lui écrire un mot. Bien avant ton immense courage pour dénoncer l’enfer des viols collectifs, j’étais au courant de ces horreurs vécues dans les banlieues, tant en France qu’en Belgique où j’ai aussi travaillé pendant trois ans et entendu beaucoup de témoignages ! Mais j’étais loin d’imaginer les dégâts énormes entraînés par ces viols dont tu fus l’innocente victime.
Dommage, ma fille, que tu quittes bien trop vite cette terre où tu avais encore tant à faire, à dénoncer aussi. Nous avons tellement besoin de femmes comme toi. Paix où que tu sois, petite Samira ! Dors en paix, jamais nous ne t’oublierons.

Main tendue
Je salue le courage des dirigeants africains qui parlent de lutte contre la pauvreté et veulent créer des emplois (voir J.A.I. n° 2279). Bravo ! Je suis persuadé qu’ils frapperont aux bonnes portes occidentales pour réaliser ce projet. Mais, en bons pères de famille et de nation, ils devraient commencer par puiser les fonds nécessaires dans les milliers de milliards de francs CFA qui dorment sur leurs comptes dans des banques européennes ou autres. On a vu ce qu’il en était à la mort d’Abacha et de Mobutu. S’il faut toujours tendre la main aux Occidentaux, ils finiront un jour par la garder…

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Emploi, des résultats, pas de bla-bla
Je suis une jeune Africaine de 19 ans soucieuse de son avenir professionnel en Afrique. Un sommet sur l’emploi (voir J.A.I. n° 2279), pourquoi pas. Mais, comme beaucoup d’autres jeunes, je suis lasse des forums, des ateliers, des réunions, des congrès. L’Afrique a besoin d’idées concrètes avec des applications et des résultats.

Le bilan de Bremer
Dans un article du 15 février dernier (J.A.I. n° 2249), Jean-Michel Aubriet a écrit un article très intéressant sur les projets de l’administrateur américain en Irak, Paul Bremer, avant le transfert d’autorité au 30 juin 2004. Cela allait de la formation de la nouvelle police, de la nouvelle armée, de la nouvelle défense civile à la mise en place de conseils de villages et d’une agence anticorruption, à la création d’hôpitaux, d’écoles, de réseaux de tout-à-l’égout. Au total, environ 17 500 projets lancés ou à lancer. J’aimerais savoir où en sont ces projets et s’ils sont toujours à l’ordre du jour. Paul Bremer aurait-il vendu la peau de l’ours avant de l’avoir abattu ?
Réponse : La mise en oeuvre de ces projets, désormais à la charge du gouvernement d’Iyad Allaoui, dépend évidemment du rétablissement de la sécurité. Or celle-ci se dégrade chaque jour un peu plus… Des centaines, voire des milliers, de militaires et de policiers irakiens ont été abattus. Beaucoup d’autres, à peine recrutés, ont déserté avec armes et bagages. Enfin, les installations pétrolières sont continuellement sabotées, ce qui gêne considérablement les exportations de brut – et le financement des projets en cours. J.-M.A.

Oui, Français musulman
L’article de Hamid Barrada intitulé « Heureux comme un musulman en France » (J.A.I. n° 2281) m’a beaucoup touché. Étant musulman de France, ou plutôt Français musulman, comme l’auteur fait si bien de rectifier, je souhaiterais lire plus souvent des textes de ce type dans votre journal.

Et le foot au féminin ?
C’est à se demander si le football féminin existe en Afrique. La Coupe d’Afrique des nations qui vient de se terminer en terre sud-africaine s’est déroulée dans le quasi-anonymat. Pas de public, pas de média. Pourtant, le foot au féminin a de nombreux admirateurs qui tentent désespérément de voir des matchs. Car, avec les filles, il y a encore du spectacle, de la vraie samba brésilienne.

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Ce que veut le nord du Mali
Dans J.A.I. n° 2275-2276, un lecteur de Bamako réagit à la lettre de Moustapha Dahi paru dans le n° 2269 en soulignant que « le Nord malien n’est pas oublié » et que le sud du pays « fait acte d’une belle solidarité » à l’égard du Nord depuis l’indépendance. Étranger travaillant depuis quatre ans dans le nord du Mali, et connaissant le Sud, je me permets de revenir sur ces affirmations en tant qu’observateur qui se veut impartial. Le Nord malien est actuellement constitué de trois régions, Tombouctou, Gao et Kidal. Force est de reconnaître qu’en matière d’infrastructures et de services (aussi bien publics que privés) la région de Kidal est bien la plus défavorisée du Mali. Cette situation est d’autant plus porteuse de malaise qu’elle a été revendiquée (à tort ou à raison ?) comme une des raisons du conflit armé des années 1990.
Le même lecteur limite l’observation aux seules « agglomérations sédentaires ». Or la majorité de la population des régions de Kidal et Gao est nomade et, par définition, n’habite pas et ne souhaite surtout pas habiter en village sédentaire. Enfin, la question n’est pas de « transformer un désert en éden ». Les habitants du Nord malien n’attendent pas l’irrigation de leur territoire, ils ne font que revendiquer leur mode de vie nomade, seule possibilité de mettre en valeur un environnement sahélien extrêmement pauvre en ressources hydriques et végétales (115 mm de pluie par an en moyenne).

Racisme : ne pas généraliser
« Les Arabes sont encore plus racistes que les Européens. » Voilà ce qu’a écrit un lecteur dans votre n° 2280. Une phrase scandaleuse qui m’a choqué. Le racisme est un phénomène minoritaire, qui touche de nombreux pays, mais qui ne se mesure pas. Ensuite, ce qui m’étonne, c’est que ce lecteur, comme bien d’autres avant lui, s’appuie sur quelques exemples pour décréter toute une société raciste. On ne peut pas généraliser ainsi. Autre chose, au lieu d’écrire « des Maghrébins ont craché sur ma voiture », ce lecteur a écrit « des Arabes ont craché sur ma voiture », ce qui est différent. De toute façon, c’est par la discussion et non en jetant l’anathème qu’on pourra régler ce problème complexe.

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Détournement de bourses
Depuis plusieurs années, les gouvernements du Maghreb accordent des bourses aux étudiants nigériens pour qu’ils puissent poursuivre leurs études dans des conditions optimales à Boumerdès, Fès ou Sousse. Or on remarque que ces bourses sont aujourd’hui données aux enfants des « personnes bien placées » au détriment des brillants élèves à qui elles sont destinées. Ces gosses de riches sont le plus souvent des piètres élèves qui n’arrivent à avoir leur baccalauréat qu’avec la corruption.

ONU : la vraie urgence
Nombre de pays se bousculent à la porte de l’ONU pour entrer au Conseil de sécurité. Mais rien ne prouve qu’en élargissant le nombre des membres permanents l’institution onusienne fonctionnera mieux. À cinq, les problèmes subsistent. À dix, ce sera la pagaille qui risque d’entraîner le chaos et l’agonie totale de cette institution. L’urgence est d’apporter des solutions aux conflits qui minent actuellement notre planète.

J.A.I. suppôt d’el-Qaïda…
Étudiant africain en France, je me suis abonné il y a quatre ans à Jeune Afrique/l’intelligent que j’appréciais beaucoup. Malheureusement, ces derniers temps, je m’aperçois que notre hebdomadaire devient un journal de la résistance irakienne et palestinienne, au point où François Soudan introduit son article « Irak : le dilemme américain », dans le numéro 2279, par la citation du numéro deux d’el-Qaïda. On nous fait croire que l’Amérique est le mal absolu, en oubliant que c’est elle qui a reconstruit le Japon et l’Europe d’après-guerre et qui a facilité l’émergence de la Corée du Sud, de Singapour, de Hong-Kong et autres dragons et tigres. Que fait la France, que vous n’avez jamais critiquée ? Regardez dans quel état se trouvent ses « anciennes » colonies d’Afrique ? Ma déception est telle que je cache les couvertures de ce journal dans les transports de peur d’être confondu. Jusqu’où ira ce journal dédié à l’Afrique ?
Réponse : La citation d’Ayman al-Zawahiri à laquelle vous faites référence venait en conclusion – et non en introduction – de mon article. Reprendre, à l’instar de dizaines d’autres journaux européens et américains, une déclaration du numéro deux d’el-Qaïda ne signifie évidemment pas, chacun l’aura compris, l’approuver. Pour le reste, critiquer, comme nous le faisons et comme le fait une grande majorité de l’opinion mondiale, la politique menée par l’administration Bush en Irak n’induit en aucun cas une condamnation des États-Unis en général et du peuple américain. Nous ne disons pas autre chose d’ailleurs que ce que répète le candidat John Kerry, rejoint récemment par Kofi Annan. Quant à la politique africaine de la France, sans doute nous lisez-vous trop hâtivement : il nous est arrivé, à maintes reprises et quand cela s’imposait, de la critiquer.

Liberté d’informer : jusqu’où ?
Au risque de passer pour un ennemi des libertés, j’aimerais relancer un débat qui a toujours fait couler beaucoup d’encre, et, hélas ! pas seulement de l’encre : peut-on publier n’importe quoi et n’importe quand ? La question est d’autant plus cruciale aujourd’hui qu’on assiste un peu partout à la naissance de mouvements radicaux promettant l’enfer à ceux qui s’écartent de leur « ligne de conduite ». La presse, écrite comme audiovisuelle, se fait le relais de toutes ces bandes qui n’ont comme projet que la violence et la haine. L’entreprise Ben Laden aurait-elle eu autant de succès sans le marketing gratuit de la presse ? Pourtant, les journalistes sont les premiers à faire les frais de cette quête irrationnelle de l’information. On ne dénombre plus ceux d’entre eux qui sont tombés en Afghanistan, en Irak et ailleurs, et souvent en direct sous les caméras de leurs confrères.

Ne pas oublier Massoud
Enfin, le peuple afghan est libre de penser, de choisir celui ou celle qui présidera le pays. Pas moins de dix-sept candidats. Parmi ceux-ci, il y a une femme. Elle n’a pas peur des talibans, ou de ce qu’il en reste, ni des menaces. Plus de 40 % des femmes sont inscrites sur les listes électorales. C’est un gage de liberté, de démocratie. Tout cela est très bien. Ce qui est triste, c’est qu’il manque un candidat, un grand combattant, un homme rare : Ahmed Shah Massoud.
Alors, avis aux candidats : agissez comme lui. N’oubliez pas ses idéaux et ses principes.

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