Les vrais enjeux

Publié le 4 octobre 2004 Lecture : 2 minutes.

S’il est une spécificité camerounaise, que la campagne électorale pour le scrutin présidentiel du 11 octobre – et son issue programmée – vient une nouvelle fois de démontrer, c’est bien celle-ci : autant l’aptitude des compatriotes de Paul Biya à critiquer les dysfonctionnements de l’État est forte, autant l’ampleur de leurs revendications est réelle, autant les propositions d’alternatives semblent inconsistantes et la contestation politique quasi inexistante. Ce décalage n’est surprenant qu’en apparence. Plus que le signe d’une immaturité politique, il traduit, en effet, le profond sentiment de désarroi qui habite cet « autre Cameroun », sans doute majoritaire, des villes et des campagnes. Les attentes en termes d’amélioration des conditions de vie et les inquiétudes quant à l’avenir y sont vives et oppressantes, aussi manifestes que le peu de crédit accordé par les Camerounais aux institutions chargées de les défendre et de les représenter : gouvernement, Parlement, justice, partis politiques, police, etc.
Ce pessimisme ambiant, joint à cette absence de médiation, de prise en charge du malaise général par les élites – qu’elles soient du pouvoir ou de l’opposition -, est particulièrement sensible chez les jeunes. Il nourrit volontiers des comportements de fuite et d’évasion, fait le lit du désenchantement électoral et de l’incivisme, grossit les rangs des « églises du réveil » qui empruntent à la galaxie évangélique et fondamentaliste nord-américaine, alimente aussi, hélas ! la fascination que continuent d’exercer les « feymen », ces délinquants prodigues et ostentatoires tapis dans les sombres recoins d’une économie en pleine phase d’intégration sauvage au marché mondial. Ce repli sur des stratégies individuelles hors État, pour inquiétant qu’il soit, ne trouve cependant aucun vecteur d’expression dans le champ politique camerounais. Le problème auquel est confronté le pouvoir en place n’est donc pas celui de sa légitimité, comme dans bien d’autres pays, mais celui de sa crédibilité.

Le futur hôte du palais d’Etoudi – et il y a manifestement toutes les chances pour que l’identité du locataire ne change point – aura, pour réconcilier les Camerounais avec leurs institutions, un atout considérable. Dans ce pays, plus qu’ailleurs en Afrique, la présidence de la République est un lieu mythique, surinvesti, dont on attend tout ou presque. On peut juger Paul Biya – et les Camerounais ne s’en privent pas – trop souvent absent et trop éloigné des préoccupations quotidiennes, son image intrinsèque, due à sa fonction quasi magique, demeure très largement intacte. Tout autre que lui, dira-t-on, siégeant en cet Olympe qu’est Etoudi, bénéficierait de la même aura. Raison de plus, pour celui qui s’apprête à remporter, le 11 octobre, sa cinquième élection, de profiter de la voie toute tracée qui s’ouvre devant lui pour répondre aux vraies attentes de « l’autre Cameroun » : chômage, niveau de vie, santé, éducation, eau potable, électricité, routes… La liste est longue.

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