Algérie : industrie, banque… La Cour des comptes sort le carton jaune
L’institution tance plusieurs « entreprises publiques économiques » déficientes, alors même que leurs activités représentent la plus grosse part de marché face au secteur privé.
Un partenariat public-privé peu concluant dans le ciment, un secteur bancaire à la traîne… C’est en substance le message que fait passer la Cour des comptes algérienne dans son rapport annuel 2021, un document de plus de 500 pages rendu public à la mi-janvier.
Si historiquement l’Algérie a érigé des barrières à l’entrée de sociétés étrangères pour plusieurs de ses secteurs stratégiques, notamment au travers de la fameuse loi 51/49, cinq cimenteries locales participent depuis 2004 à un programme de « relance de l’investissement » et de « mise à niveau des entreprises publiques économiques (EPE) », en partenariat avec des cimentiers non-algériens. Parmi ces filiales du Groupe industriel des ciments d’Algérie (Gica), on retrouve : Société des ciments de Hadjar Soud (SCHS), Société des ciments de Sour El Ghozlane (SCSEG), Société des ciments de Zahana (SCIZ), Société des ciments de la Mitidja (SCMI) et Société des ciments de Beni-Saf (Scins).
Le groupe public Gica, leader national du ciment, possède 14 des 17 cimenteries du pays, pour une capacité de production estimée à 20 millions de tonnes en 2020, sur 40,6 millions au total. Le reste étant ventilé entre le groupe privé Lafarge-Holcim, qui opère deux cimenteries capables de produire plus de 11 millions de tonnes, et des petits opérateurs algériens, qui en fournissent 9,5 millions de tonnes.
Pas de transfert de savoir-faire et de technologie
Pour la Cour des comptes, ce partenariat a certes porté des fruits – les rendements moyens annuels ont augmenté –, mais l’opération n’ai pas abouti à une mise-à-niveau des outils de production. Elle déplore ainsi que les « partenaires étrangers, dont certains de renommée internationale » n’aient pas fait bénéficier leurs partenaires publics « de [leur] savoir-faire en management et de [leur] expertise en industrie du ciment ».
Dans le cadre des partenariats public-privé, lesdites filiales de Gica ont cédé 35 % de leur capital et signé un contrat de « délégation du management à la société étrangère ». Si le rapport de la Cour des comptes ne pointe toutefois pas du doigt les sociétés privées – elles ne sont pas nommées dans son rapport –, il leur est reproché en substance de ne pas avoir suffisamment défini « les clauses du contrat de management relatives aux objectifs de l’entreprise ». Et ce notamment en matière de « part de marché, de rentabilité, d’efficacité et de qualification du personnel avec un système adéquat de rémunération du partenaire/manager ».
La Cour déplore par ailleurs une « insuffisance du transfert de savoir-faire et technologique », et recommande qu’à l’avenir, une clause soit inscrite dans les contrats de partenariats. Que ces éléments, « qui font la réputation du partenaire/manager », profitent aux cimentiers algériens.
Trop lente métamorphose des banques
L’industrie du ciment n’est pas la seule cible des critiques de la Cour des comptes. Dans le domaine bancaire, c’est la lenteur de la « transformation du statut » de la Caisse nationale d’épargne et de prévoyance (aujourd’hui CNEP-Banque) qui est visée. Chargée à l’origine de mobiliser et collecter l’épargne, la banque a adopté en 2011 un virage stratégique. L’objectif, résume la Cour : « diversifier son portefeuille clients notamment, en développant sa position sur le marché du financement des entreprises, en plus des crédits aux particuliers et le financement de l’immobilier ».
La CNEP-Banque est restée cantonnée dans ses activités traditionnelles, en dépit des moyens d’action dont elle dispose
Mais après contrôle, le constat est rude. « Peu de progrès ont été réalisés en vue du développement de ces nouvelles activités, à forte valeur ajoutée », souligne le document. Et d’ajouter : « La CNEP-Banque est restée cantonnée dans ses activités traditionnelles, […], en dépit des moyens d’action dont elle dispose notamment, une dotation solide en fonds propres, un vaste réseau d’agences et un système informatique entièrement intégré. »
Dans le panorama bancaire algérien, près de 90 % des dépôts sont enregistrés par les banques publiques, dont CNEP-Banque. Par exemple, les comptes de la pétrolière nationale Sonatrach ne sont déposés que dans une banque, la Banque extérieure d’Algérie (BEA).
Sur les six grandes banques publiques qui dominent le marché, quatre ont été identifiées comme étant en situation de « sous-liquidité » depuis le début de la crise du Covid-19 : la BEA, la Banque de l’agriculture et du développement rural (BADR), la Banque de développement local (BDL) et la Caisse populaire d’Algérie (CPA). Pour faire face au manque persistant de liquidités du marché, Alger avait envisagé en décembre 2020 de privatiser deux de ces institutions financières en ouvrant une partie de leur capital aux investisseurs à la Bourse d’Alger. Une mesure qui, pour l’heure, n’a pas été suivie d’effet.
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