Françoise Sagan

La romancière française est décédée le 24 septembre, à l’âge de 69 ans.

Publié le 6 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

A moins que Dieu ne conduise une Maserati, Françoise Sagan s’est définitivement rangée des voitures. La romancière française est morte d’une embolie pulmonaire, le 24 septembre, à l’hôpital d’Honfleur (Normandie). Seule et sans le sou. Cela n’aurait pas dû se passer ainsi. Comme James Dean, décédé en septembre 1955 au volant d’une Porsche 550 Spyder, Françoise Sagan aurait pu laisser sa vie dans la carcasse de son Aston Martin, en 1957. Trois ans tout juste après le phénoménal succès de Bonjour tristesse, le roman qui fit démarrer sa carrière sur les chapeaux de roue et la transforma en star de la littérature. Mais il n’y a pas eu d’accident fatal : simplement une vie à toute berzingue et des livres comme autant de bornes sur la route. Reprenons.

Françoise Quoirez, de son vrai nom, est née le 21 juin 1935 à Cajarc, dans le Lot. Fille d’une famille d’industriels aisés, elle passe son enfance et son adolescence à Paris, dans le 17e arrondissement, dévorant Gide, Proust, Sartre, Camus, Rimbaud Entrée au couvent des Oiseaux en 1947, elle en est très vite renvoyée : la foi l’a quittée. Les études ne l’intéressent guère. Elle préfère les caves du Saint-Germain-des-Près de l’après-guerre, le whisky, les cigarettes, la musique En juin 1953, elle se confie à sa meilleure amie, Florence Malraux : « Cet été, j’écrirai un livre, il aura du succès, je gagnerai beaucoup d’argent et je m’achèterai une Jaguar. » Promesse tenue. En moins de deux mois, Françoise Quoirez achève son manuscrit et le titre avec l’aide d’Éluard : « Adieu tristesse/ Bonjour tristesse/Tu es inscrite dans les lignes du plafond/Tu es inscrite dans les yeux que j’aime. » L’éditeur René Julliard ne s’y trompe pas. La première phrase du roman annonce un véritable écrivain : « Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. » Publié en janvier 1954, Bonjour tristesse choque par son « amoralité » (une jeune femme pousse son petit ami à séduire la maîtresse de son père), mais reçoit le prix de la Critique et devient très vite un best-seller en France, puis aux États-Unis. Françoise Quoirez, elle, devient un personnage de roman qui a pour nom Françoise Sagan, pseudonyme soufflé par le grand Marcel Proust.

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Des surnoms, elle en récoltera d’autres au cours de sa « vie de patachon ». « Charmant petit monstre » pour l’écrivain François Mauriac, « espiègle Lili » pour Jean-Paul Sartre, Françoise Sagan flambe à tout-va. Et écrit. Bagnoles, alcool, jeu, drogue Ses frasques nourrissent la presse à potins, tandis que ses livres (Un certain sourire ; Dans un mois, dans un an ; Aimez-vous Brahms ? ; La Chamade) séduisent les lecteurs par leur douce mélancolie et leur insouciance. Amours triangulaires en intérieurs chic Il y a les pro- et les antiSagan. Elle s’en fiche. Elle vit. Elle est libre. Elle est à Saint-Tropez avant Brigitte Bardot. Elle appuie de son pied nu sur l’accélérateur.
En 1958, elle se marie avec l’éditeur Guy Schoeller. En 1960, elle signe le Manifeste des 121 contre la torture en Algérie. En 1962, elle divorce et se remarie avec l’Américain Bob Westhoff dont elle aura un fils, Denis. Et continue d’écrire, des romans bien sûr (Bonheur, impair et passe ; Des bleus à l’âme), mais aussi pour la télévision et le cinéma. Ses livres inspirent Otto Preminger, Anatole Litvak, Robert Enrico En 1971, elle signe le Manifeste des 343 femmes pour la liberté de l’avortement.
Avec les années, le succès s’érode, la critique est sans pitié pour des livres qu’elle juge bâclés et réalisés sur commande. Françoise Sagan joue, gagne parfois, perd souvent. Le fisc la poursuit. Ses amitiés lui valent de nombreuses inimitiés. En 1985, au cours d’un voyage en Colombie en compagnie du président François Mitterrand, elle tombe dans le coma. La presse en fait ses choux gras. Mais Avec mon meilleur souvenir paru un an plus tôt, Françoise Sagan a reconquis un public qui ne lui tiendra rigueur ni de ses implications dans l’affaire Elf ni de ses condamnations pour fraude fiscale. Sa générosité la perdait souvent Malade, elle ne conduisait plus depuis quelques années et regardait derrière son épaule une uvre d’une trentaine de livres. Sans prétention.
« Je suis un accident qui dure », avait coutume de dire celle qui aimait « la vitesse qui aplatit les platanes au long des routes et décoiffe les chagrins » et adorait « tenter
le diable ». Dieu, la barbe ! S’il te plaît, lâche le volant et donne-le à Françoise Sagan.

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