Ce qui divise et ce qui unit

Publié le 4 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

« Ce qui nous divise, c’est moins la dissemblance des opinions que la ressemblance des prétentions. » Cette pertinente analyse du camp républicain français de 1848 par le poète et militant Pierre-Jean de Béranger, l’opposition camerounaise semble avoir eu à coeur de l’appliquer à la lettre. Avec pas moins de quinze candidats en lice, dont deux sont issus d’une même coalition, on a peine à imaginer, en effet, qu’ils parviendront, avant le 11 octobre prochain, jour du scrutin, à surmonter leurs… ressemblances. Après vingt-deux ans de règne, Paul Biya est donc assuré de rester à la barre sept ans de plus, quitte à exaspérer tous ceux qui rêvent d’alternance démocratique depuis l’instauration du multipartisme en 1990. Faut-il en déduire qu’une candidature unique de l’opposition lui aurait assuré la victoire ? Personne n’oserait l’affirmer.

À en juger, en tout cas, par l’état d’esprit de la jeunesse, celle qui est en âge de voter pour la première fois, c’est même le contraire qui est vrai. Car rarement une échéance de cette importance aura suscité aussi peu d’enthousiasme. Qu’ils soient enclins à soutenir l’un des candidats de l’opposition, ou Paul Biya lui-même, ni les uns ni les autres n’ont l’intention de se rendre aux urnes le 11 octobre prochain. Ils n’ont même pas souhaité, pour la plupart, se faire inscrire sur les listes électorales, tant le résultat final de cette compétition leur semblait acquis d’avance.
Un tel désenchantement constitue, à n’en pas douter, un signal inquiétant que les autorités du pays auraient tort de prendre à la légère, sous prétexte qu’il favorise indirectement la réélection du candidat sortant. Car s’il est vrai que le régime en place peut se prévaloir d’une grande stabilité politique, d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte régional qui reste marqué par les guerres et les conflits ethniques au Congo, les coups d’État à répétition en Centrafrique et les affrontements religieux au Nigeria, il est non moins vrai qu’après vingt-deux ans de paix intérieure, le temps est venu pour les populations, et la jeunesse en particulier, d’en mesurer les bienfaits. D’autant que le pays regorge de richesses naturelles, agricoles ou minérales, d’hommes d’affaires entreprenants, et d’un potentiel humain que nombre de pays voisins lui envient. Fort de son dynamisme économique, le Cameroun est ainsi devenu une locomotive que personne, dans la sous-région, ne voudrait voir dérailler. Ni même s’arrêter. Or, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en matière de développement, de réduction de la pauvreté, de lutte contre la corruption et de transparence dans la gestion des finances publiques, les progrès se font attendre. Tel est, en quelque sorte, le message qu’ont envoyé au pouvoir central les « mémorandistes » du Nord, toujours en attente d’équipements pour désenclaver leurs provinces, dont la grogne est venue s’ajouter à celle, plus ancienne, des anglophones. Qui se considèrent eux aussi comme les oubliés de Yaoundé. Tel est également, mais en d’autres termes, le message qu’a envoyé le Fonds monétaire international aux autorités du pays en leur faisant savoir qu’elles n’avaient pas rempli les critères requis pour la poursuite du programme d’allègement de la dette camerounaise.

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Il reste donc à souhaiter qu’au lendemain du 11 octobre le trop célèbre « gouvernement pour aller aux élections » mis en place en 2002, dont le laxisme en matière de contrôle sur les finances publiques n’a échappé à personne, sera très vite remplacé par un « gouvernement pour marcher résolument vers la bonne gouvernance et le développement ». Peut-être, alors, verra-t-on les abstentionnistes et les désenchantés retrouver le goût de la res publica, et le dynamisme de toute une population n’être plus entravé par l’immobilisme de quelques-uns.

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