« Bis repetita » en 2005
Le continent continue de se battre contre les criquets. Les essaims qui ont envahi l’Afrique de l’Ouest en juillet se replient désormais vers le nord du Sahel. Ils devraient atteindre les pays du Maghreb d’ici à la fin octobre, mais des insectes ont déjà été repérés dans l’est du Sahara algérien.
Les premières estimations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) tablent sur des pertes de 30 % à 40 % en pâturages et de 10 % en récolte de céréales sèches. En outre, des destructions très sévères et des situations dramatiques sont observées dans certaines localités. Les populations s’inquiètent, par ailleurs, des effets nocifs des pesticides sur les végétaux et le bétail (d’autant plus que certains stocks périmés ont probablement été utilisés au tout début des traitements).
Sur les 3 à 4 millions d’hectares infestés, à peine 20 % ont été traités. Depuis la mi-septembre, des moyens importants sont déployés sur le terrain, mais, selon les experts, il est désormais trop tard pour enrayer le phénomène. Les jeunes criquets sont en train de « pousser des ailes » et commencent à constituer de nouveaux essaims, qui bientôt pondront à leur tour. Les criquets ailés sont beaucoup plus difficiles à éradiquer, et, dès le début de la saison sèche au Sahel, ils migrent vers le Nord. Il faut donc s’attendre à un prolongement de la crise en 2005.
Pourtant, tout dans cette catastrophe était prévisible. En octobre 2003, compte tenu de la pluviosité exceptionnelle des mois précédents, la FAO lançait une première alerte. Malgré les efforts des pays du Maghreb, qui ont traité 6 millions d’hectares entre décembre et février, les criquets sont redescendus vers le Sud. En février, la FAO estimait que 9 millions de dollars suffisaient pour lutter contre les insectes. Aujourd’hui, face à la progression de l’invasion, l’organisation en réclame plus de 100 millions. À la date du 28 septembre, seuls 20,7 millions de dollars avaient été reçus par l’agence onusienne.
Que s’est-il passé ? Michel Lecoq, acridologue français, insiste sur les lacunes des services antiacridiens nationaux, l’affaiblissement du dispositif de prévention régional, l’inexistence d’un plan d’urgence et la trop lente mobilisation de la communauté internationale. La dissolution, en 1984, de l’Organisation régionale commune de lutte antiacridienne et de lutte antiaviaire (Oclalav) avait déjà eu un impact dramatique lors de la précédente invasion en 1987-1989, qui avait englouti plus de 300 millions de dollars d’aide internationale. En 1994, la FAO décidait ainsi de relancer un programme de prévention régionale (Empress) et créait, en 2000, la Commission de lutte contre le criquet pèlerin dans la région occidentale (CLCPRO), qui regroupe neuf pays de part et d’autre du Sahara. Mais, par manque de financements, ces deux structures ne sont toujours pas opérationnelles.
Aujourd’hui, quinze ans après la dernière invasion, la tragédie se répète à l’identique. Au plus fort de la crise, tout le monde reconnaît l’urgence de renforcer les dispositifs de surveillance nationaux et de créer une structure régionale viable capable de prévenir et de réagir rapidement en cas d’invasion.
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