Passons aux choses sérieuses

Projet de révision de la Constitution, loi de finances, échéances électorales La rentrée politique promet d’être animée.

Publié le 4 septembre 2006 Lecture : 5 minutes.

L’Algérie s’apprête à vivre une rentrée politique particulière. Le pays entame un marathon électoral. Qu’on en juge : référendum pour une révision de la Constitution avant le 31 décembre 2006, des législatives en mai 2007 avant des communales programmées pour le mois d’octobre suivant. De toutes ces échéances, le premier scrutin semble moins occuper les esprits.
La révision de la Constitution faisait partie de l’agenda du président Abdelaziz Bouteflika depuis son retour aux affaires, en 1999. Il n’a jamais caché son sentiment à l’égard du Texte fondamental élaboré en 1996, c’est-à-dire au moment où les Groupes islamiques armés (GIA) étaient aux portes de la République. « Cette Constitution ne me convient pas », répétait-il à l’envi. Mais ce n’est que le 4 juillet 2006 que le chef de l’État a fini par annoncer son intention d’organiser « avant la fin de l’année » un référendum sur la révision de la Constitution. Une large majorité du spectre politique algérien se revendiquant du programme du président, l’issue de ce scrutin est connue d’avance. En revanche, on en sait beaucoup moins sur le contenu du projet présidentiel, notamment en ce qui concerne l’article limitant à deux le nombre de mandats du chef de l’État. C’est pourquoi le prochain Conseil des ministres, prévu pour la première quinzaine de septembre, est particulièrement attendu. Abdelaziz Bouteflika devrait dévoiler le texte qu’il soumettra au suffrage universel. En attendant, le gouvernement prépare les autres points à l’ordre du jour de ce Conseil. Notamment le projet de loi de finances 2007, avec un budget de 3 500 milliards de dinars (plus de 35 milliards d’euros), dont plus de 60 % consacrés à l’équipement. Pour le second exercice consécutif, les dépenses de fonctionnement sont ramenées à moins de 40 %. La performance n’est pas banale pour peu que l’on tienne compte de l’ampleur de la hausse de la masse salariale, conséquence de l’augmentation du Salaire national moyen garanti (SNMG).
Projet de révision de la Constitution, loi de finances, échéances électorales Députés et sénateurs, revenus aux affaires le 2 septembre, s’apprêtent à vivre de longues séances nocturnes. Les ministres, eux, ont repris le chemin du Conseil de gouvernement, après avoir eu droit à une dizaine de jours de congé. Seul le premier d’entre eux, Abdelaziz Belkhadem, chef du gouvernement, mais également patron du FLN, n’a pas eu cette chance. Durant le congé du président, la tension est montée d’un cran sur la scène internationale, avec l’agression israélienne contre le Liban, les opérations de Tsahal en Palestine et le dossier du nucléaire iranien. C’est donc au Premier ministre qu’est revenue la tâche de recevoir Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, Saad Hariri, président de la majorité parlementaire au Liban, ou encore le chef de la diplomatie de la République islamique d’Iran. Quant à la bourrasque soulevée par le mémorandum d’entente entre la Sonatrach et le russe Gazprom, elle a été gérée avec une rare sérénité.
Dès qu’il ôte sa casquette de chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem se coiffe de celle de secrétaire général du FLN. Il avait pris la direction du parti à l’issue d’une opération de redressement qui avait emporté son prédécesseur, Ali Benflis. Et si le FLN est aujourd’hui majoritaire dans les institutions de la République, le mérite en revient à ce dernier. C’est dire l’enjeu des prochaines échéances électorales pour la suite de la carrière d’Abdelaziz Belkhadem. L’homme en a, semble-t-il, conscience. Il s’y prépare avec la minutie du juriste, la prudence du diplomate et l’instinct du politique. Ne pouvant se permettre de réaliser un score inférieur à celui de son prédécesseur, il a une obligation de résultat. En habile tacticien, il a organisé l’université d’été du FLN à Bejaïa, ville symbole de la contestation kabyle, ancien fief perdu lors de la dernière confrontation avec le Front des forces socialistes (FFS, d’Hocine Aït Ahmed). Anticipant le projet présidentiel de révision de la Constitution, Belkhadem a pris tout le monde de court en soumettant des propositions concrètes. Mieux, il a créé une structure de réflexion et de proposition pour le dispositif légal régissant le territoire : le code de la commune et celui de la wilaya (préfecture). Bref, Belkhadem a fait de l’ancien parti unique le principal animateur de la vie publique. Majoritaire et première force de proposition. Quelle autre formation politique pourrait en dire autant ? Sûrement pas le Rassemblement national démocratique (RND). Incarnant « l’autre nationalisme », celui des patriotes – ces civils qui se sont engagés dans la guerre contre les djihadistes -, le RND est encore en convalescence : il ne s’est pas tout à fait remis du limogeage de son secrétaire général, Ahmed Ouyahia, de la primature. Discret depuis son départ du gouvernement, celui-ci consacre toute son énergie aux prochaines échéances électorales. Les réunions du conseil national succèdent aux conférences régionales. Le RND fourbit ses armes et se prépare aux batailles à venir.
Les islamistes, dont la majorité a rejoint le train du pouvoir dans le cadre de l’Alliance présidentielle, misent également sur les législatives de 2007 pour s’emparer de l’Assemblée nationale. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, de Bouguerra Soltani) s’apprête à élaborer ses campagnes à venir. Elles devraient s’inspirer de celle du Hamas palestinien (l’ex-homonyme se réclame, comme le MSP, de l’organisation transnationale des Frères musulmans). Autre référence utile : le Hezbollah libanais, dont la récente notoriété en fait un argument électoral de poids. Pour son université d’été, le MSP a convié les plus grandes figures de l’islamisme politique arabe. Sunnites ou chiites, théologiens ou syndicalistes, l’aréopage était des plus prestigieux. La mouvance islamiste algérienne ne se limite pas au MSP. Sa représentation est plurielle. Le Mouvement de la réforme nationale (MRN-el-Islah) traverse une énième crise née d’une dissidence contre son chef, Abdallah Djaballah. Ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences électorales. Quant aux islamistes ayant bénéficié des largesses politiques de la Concorde civile et de la Réconciliation nationale, ils font le dos rond, attendant sans doute des jours meilleurs. Seul vétéran de l’insurrection islamiste à multiplier les déclarations tonitruantes : Madani Mezrag. L’ancien seigneur de guerre, ex-chef de l’Armée islamique du salut (AIS, branche militaire du front éponyme), rêve encore d’une réhabilitation de son parti, dissous par la justice en mars 1992. La loi a beau interdire toute activité politique aux membres du Front islamique du salut (FIS), Mezrag croit dur comme fer qu’il sera un jour député, voire sénateur. Il est prêt pour cela à se présenter sous une étiquette FLN. Le parti dont le président d’honneur est un certain Abdelaziz Bouteflika est décidément partout.

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