Mettons Dieu entre parenthèses !
Le Liban est à terre, mais, disloqué et dévasté, il est loin d’être vaincu pour autant. Le Hezbollah, milice « terroriste », a créé autour de lui une immense adhésion populaire, grosse, pour l’ensemble du monde arabe, de bien des développements futurs. Aucune armée d’aucun pays ne réussira à désarmer ce mouvement lié dorénavant, qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, à l’âme du pays, à sa raison d’être, à sa vision de son propre avenir. Seul un dialogue politique interne, patient et réaliste, conduira peut-être un jour Cheikh Nasrallah – qui, d’avoir accepté immédiatement la résolution 1701, fait désormais figure de sage et de responsable aux yeux de beaucoup – à céder son arsenal à l’État libanais, une fois réglée la sortie du dernier soldat israélien du sol national et restitués au seul Liban les 45 kilomètres carrés des « fermes de Chebaa », argument clé des irréductibles hezbollahis.
Les régimes arabes proaméricains, qui n’avaient pas fait mystère de leur conviction qu’Israël « ne ferait qu’une bouchée du Parti de Dieu », et devenus ainsi les alliés objectifs de l’État hébreu, sont plus fragilisés que jamais. Ils ont intérêt pour un temps à faire le mort s’ils ne veulent pas affronter « l’exemplarité » des positions d’Hugo Chávez, le Vénézuélien.
Iran intégralement chiite, majorité chiite en Irak, pouvoir alaouite en Syrie, Hezbollah chiite libanais : ce quatuor-là n’a jamais autant ni si bien dominé la scène proche-orientale. La bombe atomique iranienne se fera (peut-être existe-t-elle déjà). Israël et son allié américain n’inspirent plus d’effroi dissuasif : un mythe s’est effondré dans la lueur des Merkava qui flambent.
L’État hébreu ferait bien de tirer, gravement, la leçon de ces journées redoutables et déjà légendaires. Pour fort et déterminé qu’il soit, il n’est plus invulnérable, malgré l’appui américain. Appui aveugle comme chacun sait. C’est désormais l’adjectif « aveugle » qui doit retenir l’attention. L’avenir d’Israël n’est pas outre-Atlantique. Cet avenir, il lui appartient de l’inscrire – géographiquement, politiquement, éthiquement – dans un Proche-Orient enfin pacifié, apaisé par l’ouverture de l’État juif à ses voisins et par l’acceptation sincère et loyale de ce que sont ces vieux peuples de vieille humanité. « Une paix juste et durable », rengaine connue, est la seule clé possible, la seule solution acceptable.
Ce qui rend tellement inextricable la situation du Proche-Orient et si introuvable à ce jour l’issue, c’est que chacune des parties y défend tour à tour ou simultanément sa part de sol et sa part de ciel. Il conviendra un jour de mettre Dieu entre parenthèses. Si le martyre du Liban rend possible cette prise de conscience, ce martyre n’aura pas été aussi vain et aussi absurde qu’il paraît aujourd’hui. L’histoire est aussi parfois faite de ces surprises.
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