« Allô, ici Bernadette »

« J’ai été malheureux, malheureux, dit le président, de ce qu’il lui est arrivé. »

Publié le 4 septembre 2006 Lecture : 2 minutes.

La bataille a été gagnée, mais la guerre sera longue. Je pense qu’on ne la livre pas contre moi. En effet, à travers la conduite de l’affaire des marchés de l’Île-de-France, on ne peut qu’interpréter une volonté d’en découdre avec le pouvoir politique. « Comment ne pas avoir lu dans la détention politique de Michel Roussin, ancien bras droit de Chirac, un défi lancé au président de la République lui-même ? » écrit Ivan Rioufol dans Le Figaro. Ma détention a déclenché une réaction mesurée et argumentée de la presse. Parfois, certains commentateurs sont allés plus loin. Georges-Marc Benamou, dans La Provence, se demande « quel sens donner à cette détention, si ce n’est la volonté d’arriver jusqu’au président de la République, se payer Chirac ».
Quelque temps plus tard, le 14 décembre, sur TF1, le président de la République est interrogé par Patrick Poivre d’Arvor sur ce qu’il convient d’appeler « les affaires ».
– Avez-vous été choqué par la mise en examen et surtout l’incarcération de Michel Roussin, qui fut votre collaborateur ?
Il ne répond pas. Je regarde la télévision, à peine surpris de ce silence.
Sur une autre question relative à la présomption d’innocence trop souvent bafouée, mon cas ne lui vient pas à l’esprit.
– À propos de la « justice spec tacle », l’incarcération de Michel Roussin était-elle acceptable ?
Je reste bouche bée. La réponse est d’une banalité affligeante :
– Je n’ai aucun jugement, je ne porte pas de jugement sur ce que font les juges.
L’entretien télévisé se poursuit. Poivre d’Arvor tente une nouvelle question :
– Sur l’homme Michel Roussin, avez-vous confiance en lui ? C’est un ami ?
Après un long propos sur sa fonction de garant de l’indépendance de la justice, ne pouvant plus botter en touche, il dit enfin :
– J’en pense le plus grand bien. J’ai connu Michel Roussin qui était jeune officier dans l’armée française, un jeune officier de gendarmerie quand je suis arrivé pour la première fois à Matignon. Il a fait ensuite une fort belle carrière d’abord auprès de moi, ensuite au gouvernement. Et j’ai été malheureux, malheureux de ce qui lui est arrivé, du drame qu’il a vécu.
Ouf ! C’est le service minimum. J’ai craint un instant, connaissant le rite de la préparation des interventions et le rôle de l’entourage, que l’on ait conseillé l’impasse sur Roussin. Ma famille et mes proches amis ont été plus sensibles au message reçu le 5 décembre sur le répondeur téléphonique, à l’annonce de ma prochaine libération :
– Allô…, ici Bernadette C… Je voulais vous dire que j’ai beaucoup pensé à vous depuis quelques jours… Je me réjouis tout particulièrement de la bonne nouvelle qui a été annoncée ce soir. Je voulais vous dire cela avec tout mon cur. Au revoir.
C’est le message discret et très politique d’une femme responsable dont le rôle auprès du président est essentiel. On est loin du portrait dressé par une amie de la famille Chirac, Marguerite Basset : « Un petit oiseau fragile et, avec son grand front et ses yeux à fleur de peau, extrêmement touchante. » Lui n’a pas appelé, elle l’a fait.

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