Tapie, l’insubmersible

Dans l’affaire qui l’opposait au Crédit Lyonnais, l’homme d’affaires arrache une indemnité record de 285 millions d’euros. Un dénouement miraculeux qui suscite la polémique.

Publié le 4 août 2008 Lecture : 3 minutes.

Enfin, il tient sa revanche ! Lui, l’affairiste, le flambeur, le voilà d’un coup, sinon réhabilité, du moins rétabli dans son bon droit. Bernard Tapie (65 ans) a bien été spolié par le Crédit Lyonnais, en 1992, lors de la revente du groupe Adidas. Ainsi en a décidé, le 11 juillet, un tribunal arbitral – une juridiction composée de « sages », non de magistrats professionnels – qui, dans la foulée, lui a alloué une indemnité record : 285 millions d’euros. Déduction faite de ses dettes pendantes, le sulfureux homme d’affaires pourrait conserver entre 20 millions et 40 millions.
Formidable retournement de situation. Il y a onze ans, presque jour pour jour, Tapie quittait la prison de la Santé, où un match de foot truqué (Olympique de Marseille-Valenciennes) l’avait envoyé moisir en cellule pendant six mois. Ruiné et privé de ses mandats électifs. Son yacht, le Phocéa, tapageur symbole de sa réussite, venait d’être racheté par la milliardaire libanaise Mouna Ayoub. Quand il leur téléphonait, les hommes politiques qui, au temps de sa splendeur, aimaient tant s’afficher sur le pont du navire étaient tous sur boîte vocale – et s’abstenaient soigneusement de le rappeler. C’est à peine si l’on se souvenait que Bernard Tapie avait été ministre de François Mitterrand ou patron de l’OM, à l’époque (1993) où le club triomphait en Ligue des champions.
Mais il en fallait davantage pour abattre ce lutteur. Définitivement barré en politique, le banni est peu à peu revenu sur le devant de la scène. En l’occurrence, celle du théâtre, puis des fictions télévisées (comme Commissaire Valence). Un ancien détenu incarnant un policier : il fallait oser ! Et Tapie a osé. Comme il a osé poursuivre le Crédit Lyonnais, au motif que celui-ci ne lui aurait pas reversé sa part sur une confortable plus-value. L’arroseur arrosé.
À la surprise générale, l’ancien repreneur d’entreprises en difficulté a obtenu gain de cause. Et de quelle manière : aux sommes qui lui étaient dues, le tribunal arbitral a ajouté 45 millions d’euros au titre du préjudice moral. Bien sûr, cette dernière réparation suscite la polémique. Car l’énormité de la somme est une première dans l’histoire judiciaire française. Et le fait que ce soit Tapie qui décroche ainsi le gros lot aggrave le trouble. Condamné à trois reprises par la justice – une fois pour le match truqué, deux autres fois pour fraude fiscale -, l’ancien homme d’affaires n’incarne pas précisément la probité !

Qui paiera ? Les contribuables
Pourtant, en ces mois d’été, l’opinion ne s’émeut guère. Et puis, qui n’a jamais rêvé de faire sauter la banque ? Tapie, lui, y est parvenu. Alors, une fois encore, on est presque tenté d’applaudir l’artiste.
Seul François Bayrou, le président du Modem, s’est bruyamment indigné, soulignant que les indemnités allouées seraient in fine acquittées par le contribuable – la structure chargée de liquider les actifs du Lyonnais, le CDR, est en effet alimentée par des crédits de l’État. De quoi refroidir les esprits. Surtout, le leader centriste a mis en cause les protections dont, selon lui, Tapie bénéficierait : « Chaque fois que Nicolas Sarkozy a été soit au ministère des Finances, soit à la présidence de la République, comme par hasard, des protections se sont déclenchées.» Et de rappeler avec insistance que l’intéressé a soutenu le candidat Sarkozy lors de la campagne présidentielle de l’année dernière.
Le Parti socialiste, lui, réclame la création d’une commission d’enquête parlementaire. Mais, en privé, ses responsables se montrent prudents. Avant de rallier Sarkozy, Tapie fut en effet la coqueluche de la gauche caviar. Un éventuel déballage risquerait d’éclabousser nombre de caciques. Et cela, personne n’y tient vraiment.

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