Sarko, Kadhafi et Mugabe

Publié le 4 août 2008 Lecture : 2 minutes.

Il faudra un jour que Nicolas Sarkozy nous explique ce qu’est exactement sa politique africaine, s’il en a une. Du discours de Cotonou à celui du Cap, en passant par celui de Dakar, à propos duquel Henri Guaino a cru opportun (dans J.A. et ailleurs) de rappeler, un an après, à quel point la repentance lui était étrangère ; du sacrifice de Jean-Marie Bockel sur l’autel de la Françafrique aux coups de griffe de Rama Yade ; du règlement en catimini de l’affaire Falcone aux silences tunisiens ; de la disparition passée par pertes et profits d’un opposant tchadien aux étranges absences d’un Bernard Kouchner réduit en la matière aux affaires humanitaires et darfouries, on s’y perd, on s’y englue, on s’y noie.
Et ce n’est pas la dernière déclaration en date du président français, le 25 juillet à Bordeaux, en marge du sommet Union européenne-Afrique du Sud, qui nous aidera à y voir plus clair.

« Moi, je ne parlerai pas à M. Mugabe, a dit Nicolas Sarkozy, parce que j’ai un jugement très sévère sur ce qu’il a fait. » Un alignement complet sur la position américano-britannique qui a dû agacer un certain Jacques Chirac, mais là n’est pas le problème. Après tout, Robert Mugabe est un dictateur, et l’on ne cause pas avec un dictateur. Ce qui trouble, ce qui choque, c’est que ce même président français a accueilli en grande pompe, il y a huit mois, le temps d’une visite chaotique d’une semaine ponctuée de gags et d’accolades, un personnage dont le palmarès dépasse de très loin celui de l’autocrate zimbabwéen : Mouammar Kadhafi.

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Maître absolu d’un pays où il n’y a ni élections, ni partis, ni opposants, geôlier fraîchement repenti d’infortunées infirmières, à peine absous de divers attentats (Lockerbie, Ténéré), ex-propriétaire d’armes de destruction massive et seul comptable devant Dieu de la manne pétrolière, le raïs libyen est le condensé, le résumé et l’archétype du personnage à qui, selon les critères sarkoziens, on ne serre pas la main. Et ingrat avec ça, puisqu’en dépit d’une cour assidue de dernière minute il a boudé avec mépris le sommet de l’Union pour la Méditerranée (UPM).

Nicolas Sarkozy sait-il en outre que l’homme qu’il a reçu avec chaleur sur les marches de l’Élysée, le 10 décembre 2007, est aujourd’hui le principal soutien en Afrique de Mugabe, l’homme à qui il a juré de ne point parler ? Doit-on croire que cette abyssale différence de traitement est due aux intérêts économiques de la France, quasi oniriques en Libye et voisins de zéro au Zimbabwe ? Est-ce cela la rupture ? Oui, décidément, il faudra qu’il nous explique

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