Où en est le vaccin antipaludique ?
Présent chez l’homme depuis au moins 2 700 ans (comme le montre un texte de la dynastie chinoise Xia), le paludisme (Plasmodium) a appris à échapper aux défenses biologiques humaines. Cela explique en grande partie les difficultés rencontrées pour réaliser un vaccin. Mais aussi la présence du parasite dans plus de cent pays où il menace plus de la moitié de la population mondiale (2,37 milliards de personnes sont infectées) et tue environ un million de personnes par an, surtout des jeunes enfants en Afrique subsaharienne (en moyenne, un petit Africain toutes les trente secondes).
Dans son cycle, le Plasmodium revêt plusieurs formes, ce qui complique les recherches. C’est la forme protozoite qui est transmise à l’homme par le moustique anophèle femelle. Le parasite envahit les cellules du foie où il devient mérozoite (c’est la phase hépatique). Puis les cellules du foie éclatent et les mérozoites sont libérés dans le sang. Ils envahissent les globules rouges (c’est la phase sanguine), et, lorsque ces derniers éclatent, les malades souffrent d’accès de fièvre et d’anémie classiques du paludisme. Enfin, certains mérozoites se différencient en formes sexuées mâles et femelles (c’est la phase sexuée). Absorbées par l’anophèle au cours d’une piqûre, celles-ci donnent naissance aux sporozoites que le moustique va transmettre à l’homme. Et le cycle continue.
À la variabilité des formes du parasite correspond une variabilité des antigènes, ce qui complique la tâche des chercheurs. On espérait beaucoup de la connaissance du génome dont le décryptage s’est achevé en 2002. Malheureusement, le Plasmodium comporte plus de cinq mille gènes, chacun à l’origine de protéines différentes selon la phase du cycle. Il est donc difficile de reconnaître les protéines antigéniques susceptibles de créer une immunité vaccinale, d’autant que la maladie ne confère aucune immunité acquise. Les malades peuvent cependant bénéficier d’une protection relative ayant, depuis longtemps, donné lieu à divers essais de traitement, comme l’injection des immunoglobulines d’anciens malades pour atténuer des formes très graves de la maladie chez l’enfant. Malgré des résultats discutés, ces essais ont permis de penser qu’une protection de type vaccinal était possible. À condition qu’on parvienne à sélectionner des antigènes efficaces.
Fin 2006, vingt-cinq candidats-vaccins étaient au stade d’expérimentation clinique. Plus de dix antigènes ont été étudiés en phase hépatique. Une vingtaine en phase sanguine. Et au moins cinq en phase sexuée.
Le type de vaccination le plus étudié a été l’injection de sporozoites vivants irradiés qui bloquent le développement des parasites au stade hépatique. Mais le recueil des sporozoites est difficile car il doit être fait chez le moustique et pose des problèmes de pureté et de stérilité. Une solution pourrait être constituée par le développement de sporozoites génétiquement modifiés. Une autre orientation est l’utilisation d’antigènes sélectionnés (vaccins sous-unitaires), comme le vaccin RTSS. Basé sur la protéine CS, il a donné des espoirs dans les études préliminaires mais n’a procuré qu’une protection de 30 % dans l’étude clinique conduite au Mozambique.
On peut raisonnablement penser qu’un vaccin efficace devrait combiner plusieurs antigènes provenant des différentes phases du cycle. Ce qui nécessite de nouveaux progrès biologiques et techniques, hélas très coûteux. Les populations les plus touchées étant économiquement fragiles, les laboratoires privés ne peuvent investir suffisamment de moyens pour qu’un vaccin soit rapidement trouvé. La recherche fait donc essentiellement appel aux subventions des partenaires publics et des fondations humanitaires privées, européennes ou américaines.
Depuis 2000, l’European Malaria Vaccine Initiative (Emvi, fondée par la Commission européenne) finance des travaux de treize institutions européennes, mais à des niveaux très inférieurs à ceux des budgets américains du National Institute Health ou de la Fondation Bill et Melinda Gates. Et, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’homologation d’un vaccin antipaludique risque de se faire attendre pendant au moins cinq ansÂÂ La meilleur protection reste donc, pour le moment, notre bonne vieille moustiquaire, imprégnée d’insecticide !
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