L’exception turque

Publié le 4 août 2008 Lecture : 2 minutes.

Les juges de la Cour constitutionnelle turque ont, dans leur majorité, fait preuve de sagesse. Si dix d’entre eux, sur onze, ont reconnu, le 30 juillet, que l’AKP de Recep Tayyip Erdogan se livrait bel et bien à des « activités antilaïques », les partisans de l’interdiction du parti islamo-conservateur n’ont, en définitive, recueilli que six voix, au lieu des sept requises. L’AKP a senti le vent du boulet et se verra privé de la moitié des financements publics qui lui sont d’ordinaire alloués. Un coup de semonce suffisamment clair : la prochaine fois.

La bataille que se livrent les deux camps – laïcs d’un côté, islamo-conservateurs de l’autre – est cependant loin d’être terminée. Les premiers voient toujours d’un très mauvais oeil la fulgurante ascension de l’AKP et sa mainmise sans cesse croissante sur l’appareil d’État. L’histoire classique d’une lutte à couteaux tirés entre anciennes et nouvelles élites, pour le partage du pouvoir. Pour éviter une nouvelle crise, il faudra donc des compromis de part et d’autre.
Malgré son histoire émaillée de violences politiques et de coups d’État à répétition (le dernier remonte à 1997), la Turquie des années 2000 n’a plus rien à voir avec ses devancières. C’est un pays qui mérite le respect et, surtout, la plus grande attention. Car le projet qui consiste à en faire un pays musulman, démocratique, laïc, stable politiquement et économiquement, qui serait le trait d’union entre l’Union européenne et le Moyen-Orient, est peut être le plus important dans le monde d’aujourd’hui. L’exemple d’une Turquie dirigée par un parti dont les racines plongent au coeur de l’islam politique, composée de 99 % de musulmans, et qui vient de réaliser, en très peu de temps, d’énormes progrès sociaux, économiques et politiques – là où précisément les derniers gouvernements laïcs avaient lamentablement échoué, provoquant l’arrivée au pouvoir d’Erdogan en 2002 et sa réélection triomphale en 2007 -, peut et doit donner des idées. Le progrès n’est pas incompatible avec l’islam. La démocratie non plus.

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Il faut aider les Turcs à poursuivre le chemin qu’ils ont emprunté depuis 2002, en espérant que d’autres leur emboîteront le pas. Dire d’emblée aux Turcs qu’ils n’ont pas leur place en Europe n’est pas le meilleur moyen de les soutenir. N’est-ce pas Monsieur Sarkozy ?

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