Le testament africain de Guéhenno

À la retraite depuis le 31 juillet, l’ex-secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix dresse un bilan des huit années qu’il a passées à la tête des Casques bleus.

Publié le 4 août 2008 Lecture : 3 minutes.

« Napoléon voulait des généraux qui aient de la chance. Dans le maintien de la paix, il en faut aussi. J’en souhaite à mon successeur. » Haut de près de 2 mètres, une démarche de chef d’état-major, réputé fin stratège, Jean-Marie Guéhenno n’aurait certainement pas démérité dans l’armée de l’empereur français. Question d’époque, il a préféré se consacrer aux opérations de maintien de la paix (OMP) et aux troupes des Nations unies. Au moment de tirer sa révérence, le 31 juillet, après huit années de bons et loyaux services, ce Breton de 59 ans passe le flambeau à un autre Français, Alain Le Roy, qui occupera, à compter du 1er septembre, le poste de secrétaire général adjoint de l’ONU, après avoir mis sur les rails l’Union pour la Méditerranée (UPM).
Guéhenno souhaite un renforcement des moyens sur plusieurs théâtres d’opérations comme le Soudan. « Si nous avions eu des hélicoptères, nous aurions pu sauver la vie des soldats pris en embuscade début juillet », regrette-t-il. L’inculpation d’Omar el-Béchir par la Cour pénale internationale ? « Les Nations unies respectent les décisions de justiceÂÂÂ Dans le cas de la République démocratique du Congo, le travail de la CPI a aidé à faire pression sur les acteurs de la crise », admet-il, un peu inquiet toutefois sur les conséquences possibles pour les soldats de la force ONU-Union africaine et le travail des humanitaires.
Le patron des Casques bleus se montre, par ailleurs, sceptique sur les possibilités de déploiement onusien dans des endroits comme le Tchad ou la Somalie sans accord préalable des protagonistes de la crise. « La force n’est jamais le substitut de la politique », précise-t-il. Guéhenno déplore le manque d’implication des armées occidentales et remet en cause la division des tâches entre les États qui signent les chèques pour avoir bonne conscience (les États-Unis, le Japon et les pays européens) et ceux qui envoient des hommes au front.

Casques rouges
Durant son mandat, les Casques bleus ont néanmoins enregistré des succès en Sierra Leone, au Liberia et en République démocratique du Congo après le traumatisme des interventions ratées en Bosnie et au Rwanda dans les années 1990. Depuis 2000, les effectifs des troupes onusiennes sont passés de 50 000 à 110 000 hommes, le budget a triplé, pour atteindre aujourd’hui 7 milliards de dollars dépensés sur une vingtaine de théâtres d’opérations.
Le Français demande à son successeur de poursuivre les efforts en RD Congo en accentuant la pression sur les milices pour qu’elles cessent leurs exactions. Il suggère aussi d’accélérer la formation de l’armée congolaise. En Côte d’Ivoire, il conseille de maintenir les sanctions jusqu’à la fin du processus de sortie de crise. Dans la zone saharienne, Guéhenno souhaiterait que la communauté internationale réfléchisse à la mise en place d’actions de prévention pour éviter l’essor des groupes extrémistes.
Dans la même logique, il a accueilli favorablement la proposition de créer un corps de Casques rouges, force de réaction rapide pour intervenir sur les catastrophes naturelles dans la zone méditerranéenne. Mais il avoue une certaine impuissance face à l’insoluble différend du Sahara occidental : « Les États membres du Conseil de sécurité, qui viennent de prolonger le mandat de la Minurso jusqu’en avril 2009, doivent décider de la poursuite et de la teneur de l’action de la mission en l’absence d’aboutissement du processus de paix. »
Animé par un puissant tropisme africain comme son défunt père, l’écrivain et académicien Jean Guéhenno, qui a sillonné l’ancienne Afrique-Occidentale française (A-OF) en tant qu’inspecteur de l’éducation, le jeune retraité se voit bien continuer ses médiations sur le continent. Le reste de son temps devrait être consacré à la réflexion et à l’écriture.

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