Fin de partie pour Viktor Bout ?

Incarcéré en Thaïlande, le plus célèbre marchand d’armes du monde a encore réussi à retarder son extradition vers les États-Unis, où il est inculpé de terrorisme.

Publié le 4 août 2008 Lecture : 3 minutes.

Un tribunal thaïlandais devait se prononcer le 28 juillet sur la demande d’extradition de Viktor Bout (41 ans), le plus célèbre marchand d’armes du monde, présentée par les États-Unis, où il doit répondre de quatre chefs d’accusation liés au terrorisme. Mais, en l’absence de son principal avocat, l’audience a été repoussée au 22 septembre. Avec un tel énergumène, on peut encore s’attendre à bien des rebondissements. Aussi serait-il présomptueux de prétendre que sa carrière a pris fin le 6 mars dernier, quand il a été cueilli au vingt-septième étage du Silom Sofitel, alors qu’il s’apprêtait à revendre des hélicoptères, des lance-roquettes et des missiles à de supposés combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).
Cheveux châtain clair, yeux bleus, moustache et léger embonpoint, l’aventurier russe aujourd’hui emprisonné à Bangkok est tombé dans un piège tendu par la Drug Enforcement Administration (DEA), l’agence antidrogue américaine. Mais un coup d’ÂÂil sur son CV et un vague survol du réseau qu’il est parvenu à tisser au fil des années incitent à la prudence : un jour ou l’autre, il devrait réussir à se sortir de ce mauvais pasÂÂ

Un ancien du KGB
Moins sexy que l’acteur Nicolas Cage dans le film Lord of War inspiré de ses exploits, Bout résume à sa manière la fin du XXe siècle et le début du XXIe : écroulement de l’URSS, multiplication des zones d’affrontements, capitalisme dévoyé, mort des idéologiesÂÂ Vraisemblablement né à Douchanbe (Tadjikistan) en 1967, c’est un ancien militaire soviétique passé par la case KGB. Formé à l’Institut militaire des langues étrangères de Moscou, il parle le persan, le français, le xhosa et le zoulou.
Viktor Bout est un homme d’affaires avisé, doublé d’un grand voyageur. Il a lancé sa carrière en achetant à bas prix tantôt un Iliouchine, tantôt une dizaine d’Antonov. Très pratiques, les avions. À la tête de plusieurs petites compagnies basées en Belgique ou dans les Émirats, il transporte par ce moyen un peu tout et n’importe quoi (fleurs, poulets, etc.), réalisant au passage de confortables plus-values. Tout cela presque légalement, si tant est qu’on ne fouille pas trop derrière les prête-noms et les sociétés écrans.

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Tout est à vendre
L’effondrement de l’URSS lui offre une occasion en or. En Russie, en Ukraine, en Roumanie, des officiers mal payés sont affectés à la surveillance de stocks d’armes menacés par la rouille. AK-47, lance-roquettes RPG-7 ou hélicoptères, tout est à vendre. Pour Bout, les armes n’ont pas d’odeur. Il vend au gouvernement angolais comme à l’Unita, aux talibans afghans comme au commandant Massoud. Au Liberia, en Sierra Leone ou en RD Congo, il compte aussi de très bons clients qui paient en diamants ou en coltan.
Mais Bout ne sert pas que les chefs de guerre. C’est aussi un humanitaire, si, si. Il a donné un coup de main lors de l’opération Restore Hope en Somalie (1993), transporté les négociateurs chargés de libérer les otages de l’île de Jolo, aux Philippines (2000), et distribué du matériel après le tsunami asiatique (2004). Mais Bout préfère quand même les armes. Sa flotte en a même livré aux Américains et à leurs alliés en Irak !
Utile à tout le monde, recherché mais protégé, pourquoi est-il tombé ? Sans doute pour avoir approvisionné le Hezbollah lors de la dernière guerre au Liban, à l’été 2006. Les gouvernements qui jusqu’à présent fermaient les yeux se seraient-ils lassés ? Douglas Farah, son biographe (Merchant of Death, éd. John Wiley & Sons), déclarait dernièrement au quotidien britannique The Observer que son arrestation pourrait être la conséquence de son désir de travailler avec des groupes « directement opposés aux intérêts vitaux de l’Amérique ».

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