Comment faire face à l’augmentation du trafic

Les métropoles africaines n’offrent pas toujours les meilleures conditions d’accueil et de services aux voyageurs internationaux, pourtant toujours plus nombreux.

Publié le 4 août 2008 Lecture : 5 minutes.

À l’aéroport de Nouakchott, le passager attend dans une salle d’embarquement toujours comble, assis dans un fauteuil en plastique orange. Il lui est recommandé d’emporter de la lecture, car, dans ce hangar qui accueille chaque année 190 000 voyageurs, la seule distraction c’est un petit magasin de souvenirs. À l’aéroport international de Ndjili, à une vingtaine de kilomètres de Kinshasa, en RD Congo, il doit se faufiler dès son arrivée entre des badauds – quand ce ne sont pas des animaux – qui errent sur le tarmac encombré d’appareils. De l’autre côté du fleuve Congo, à Brazzaville, il faut longuement patienter devant l’unique tapis roulant de Maya-Maya avant de récupérer son bagage. Tandis qu’à l’autre bout du continent, les nombreuses boutiques duty free de Bolé, l’aéroport international d’Addis-Abeba, ou de Jomo-Kenyatta, celui de Nairobi, trompent l’ennui des voyageurs en partance pour le Golfe, la Chine, l’Inde.
Entre 2002 et 2007, le nombre de passagers du ciel a augmenté en moyenne de 7,4 % par an à l’échelle de la planète. Si le continent ne représente pas plus de 3 % du trafic aérien mondial, il a connu sur la même période une progression du nombre de passagers (départs, arrivées et transits) plus rapide que la moyenne globale, de 8 % par an. La fin de la guerre dans plusieurs pays comme l’Angola, le Mozambique et la RD Congo ainsi que le maintien de la croissance économique (supérieure à 4 % depuis 2003) expliquent cette progression. Comme le montre le palmarès d’Airports Council International (ACI), le « syndicat » mondial des aéroports, les quelque 100 aéroports nationaux et internationaux d’Afrique connaissent cette évolution à des degrés divers. Ils s’y adaptent également plus ou moins bien. Elle est pourtant faite pour durer, à en croire l’Association internationale du transport aérien (Iata), qui prévoit, d’ici à 2011, une croissance mondiale du nombre de passagers de 5,1 % par an en moyenne.

L’Afrique du Sud domine, suivie de l’Egypte
Parmi les dix aéroports les plus fréquentés du continent, Charm el-Cheikh, en Égypte, est celui qui a connu, grâce au tourisme, la plus belle progression en 2007 : plus 27,1 %, avec 6,41 millions de passagers. Mais il ne parvient pas à détrôner l’inamovible numéro un qu’est Johannesburg, avec ses 19,4 millions de passagers. Première économie d’Afrique, hub vers le reste du continent, l’Asie, l’Europe et l’Amérique, la nation Arc-en-Ciel domine le classement avec 10 aéroports, dont 3 – Johannesburg, le Cap et Durban – parmi les 10 plus fréquentés. L’Égypte la concurrence, avec 7 aéroports dont Le Caire, Charm el-Cheikh et Hourgada, qui, eux aussi, figurent dans ce groupe de tête.
À l’inverse, l’Afrique de l’Ouest est le parent pauvre. Seul Lagos, avec 4,45 millions de passagers en 2007, la représente en tête du classement, à la 9e place. Et il faut attendre la 17e place pour la retrouver enfin (Abuja, 2,2 millions de passagers). Une présence du Nigeria qui s’explique tout à la fois par la démographie du pays – 140 millions d’habitants, le plus peuplé d’Afrique – et le dynamisme de son économie en cette ère de flambée des cours du pétrole, dont il est le deuxième producteur du continent. Mais les capitales régionales que sont Dakar et Abidjan sont à la peine, aux 19e et 25e places respectivement. La métropole ivoirienne, avec 931 000 passagers l’année dernière, a quasiment retrouvé son niveau de 2001 – 1,04 million -, avant le déclenchement de la guerre.
Si les aéroports d’Afrique de l’Ouest n’ont pas réussi à s’imposer à l’échelle du continent, c’est qu’aucun d’entre eux n’est devenu un hub, à l’inverse de Nairobi (7e) et d’Addis-Abeba (14e). À eux deux, ils ont accueilli 6 % du trafic aérien africain l’année dernière. La raison : dans la région coexistent de petites compagnies – Air Sénégal international et Air Ivoire notamment -, mais aucune n’a l’envergure de Kenya Airways ou d’Ethiopian Airlines. « L’Afrique de l’Ouest a besoin d’un hub, considère George K. Muhoho, directeur général des Aéroports du Kenya et président de l’ACI région Afrique. Mais pour cela, il faut une compagnie leader. » C’est en effet grâce au développement de Royal Air Maroc (RAM) que l’aéroport Mohammed-V, à Casablanca, s’est imposé comme un point de transit entre l’Afrique de l’Ouest, l’Europe, les États-Unis et le Moyen-Orient. Une stratégie payante : entre 2002 et 2007, le trafic y a augmenté de 42 %, à 5,85 millions de passagers, ce qui permet au Maroc de figurer dans le peloton de tête du palmarès, à la 6e place.
Toujours dans le royaume chérifien, le tourisme explique la fréquentation importante d’aéroports « provinciaux » comme ceux de Marrakech (avec 3,8 millions de passagers en 2007, il est à la 13e place) et d’Agadir (21e place avec 1,48 million de passagers). Idem en Tunisie : en 2007, l’aéroport de Monastir, ville côtière de 75 000 habitants, a accueilli 4,2 millions de passagers, soit plus que celui de Tunis, la capitale ! Djerba, île où les touristes se bousculent en été, pointe en 16e position avec 2,44 millions de passagers.
La croissance du trafic oblige les aéroports du continent à s’adapter. À Jomo-Kenyatta (Nairobi), les passagers en transit ne trouvent pas toujours un siège où s’asseoir pendant l’attente. Longtemps, à Nouakchott, les voyageurs en première et en « business » ont dû patienter avec les « classes éco », faute de place. Un agrandissement des pistes et des espaces de maintenance est également nécessaire. « Quand la plupart des aéroports africains ont été construits, explique George K. Muhoho, les avions étaient plus petits et le trafic moins important. » Ainsi Jomo-Kenyatta a été construit en 1978 pour accueillir 2,5 millions de passagers (4,8 millions l’année dernière). L’espace dédié au parking des appareils a été multiplié par deux depuis octobre 2006. Le projet d’un nouveau terminal est en cours d’élaboration. Et la réorganisation de l’espace au sein du terminal existant en vue d’accueillir les passagers transitaires est prévue. Objectif : accueillir 10 millions de passagers par an d’ici à 2015. Le coût total des travaux s’élève à 180 millions de dollars.
De manière générale, l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci) considère qu’une gestion privée des aéroports se révèle plus efficace pour adapter l’infrastructure aux besoins des compagnies et des voyageurs ainsi qu’à l’évolution du marché. Plusieurs possibilités : en Éthiopie, au Ghana, en Afrique du Sud notamment, les aéroports constituent carrément des sociétés anonymes ; au Kenya, en Tanzanie, en Tunisie ou au Maroc, l’État en est resté propriétaire mais a délégué la gestion. Au contraire, en RD Congo et au Congo-Brazzaville, ils sont directement gérés par le ministère ad hoc. « Privatisez vos aéroports pour les rendre plus prompts à saisir les opportunités », a lancé, en mai dernier, Raphaël Kuuchi, le directeur commercial de l’Association des compagnies aériennes d’Afrique (Afraa), à Dakar.

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