Libye, Émirats arabes unis, Yémen, Arabie saoudite : d’ex-mercenaires soudanais témoignent

Des centaines de Soudanais ont été engagés par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite pour combattre en Libye et au Yémen. Dupés ou simplement poussés par la misère, ils ont été pris au piège de conflits qui ne les concernent pas.

Recrutés par la société de sécurité privée Black Shield pour travailler comme agents de sécurité, Mortada Baher Mohammed Ahmed (à g), 34 ans, et Ibrahim Nameer, 38 ans, ont été envoyés combattre en Libye. © Quentin MULLER

Publié le 10 février 2022 Lecture : 14 minutes.

Autour du dictateur (de haut en bas et de g. à dr.) : Moussa Koussa, Hannibal (son fils), Aïcha (sa fille), Ahmed Gueddaf Eddem et Béchir Saleh. © AMMAR ABD RABBO/ABACAPRESS.COM MONTAGE J.A. ;  XINHUA/ZUMA/REA ; NTB SCANPIX/SIPA ; JULIAN SIMMONDS/REX FEATURES/SIPA ; PATRICK ROBERT POUR J.A. ;
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Cinq ans après le début de la révolution qui a précipité la chute du « Guide », la traque des membres de son clan et de ses milliards continue d’alimenter tous les fantasmes. Que font-ils, que savent-ils et surtout où sont-ils ? Enquête.

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« J’étais policier, mais la corporation m’a dégoûté. La corruption à tous les étages, le racket des commerçants, tout ça, je n’en pouvais plus. Ce n’était pas moi, alors j’ai donné ma démission en 2018. J’ai acheté un tuk-tuk et j’ai été chauffeur pendant un temps.

Un de mes amis m’a un jour parlé d’une opportunité d’emploi d’agent de sécurité à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis. Ils cherchaient des hommes avec une expérience militaire ou dans le maintien de l’ordre… », explique Abdallah, 35 ans, assis sur un des lits étroits de la chambre familiale.

Un filet de vent soulève le rideau bordeaux de la pièce sombre. Ses enfants observent leur père sur le palier de la porte. « J’avais le profil idéal. Tout le monde sait au Soudan que ces pays proposent des salaires attractifs, alors j’ai postulé.

L’entreprise de sécurité émiratie appelée Black Shield nous proposait une formation de trois mois sur place, puis un salaire de 500 dollars mensuels, ce qui représentait beaucoup d’argent, surtout après la dévaluation monétaire qui a suivi la révolution et la fin du régime d’Omar el-Bechir. »

À Khartoum, les agences de travail Amanda, Al-Houmayaa, Dan Dahab et Princess’s Office for External Use n’ébruitent pas cette offre d’emploi exceptionnelle. Elle circule uniquement via leur réseau de confiance. Abdallah se sent chanceux d’en faire partie.

Pour pouvoir payer les frais d’agence, qui s’élevaient à 100 000 livres soudanaises (environ 1 400 euros à l’époque), il vend son petit véhicule. « Tout ça pour finir comme un vulgaire bouclier humain pour les Émirats arabes unis… », marmonne-t-il les yeux baissés.

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Conditions de vie sommaires

Fin 2019, Abdallah est engagé puis s’envole pour Gayathi, ville située à l’ouest de la capitale Abou Dhabi. L’ancien policier sent immédiatement qu’il est tombé dans un piège. Sa formation censée durer quelques mois se déroule dans une zone désertique. Les conditions de vie sont sommaires. Certains dorment à même le sol, serrés sur de petits matelas, les plus chanceux sur des lits superposés.

D’anciens militaires irakiens, jordaniens et soudanais font office de formateurs

L’apprentissage du maniement des armes ou de la construction de tranchées inquiètent les 250 Soudanais venus apprendre le métier d’agent de sécurité. « On se doutait que quelque chose clochait. Pourquoi nous entraîner à tirer sur des cibles avec des AK47 ou des mitrailleuses DShK montées sur des véhicules, ou nous initier à des tactiques militaires ? »

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