Un pays à part

Le Botswana a longtemps été un modèle politique et économique pour l’ensemble du continent. La pandémie de sida l’a cruellement dévasté, mais, depuis un an, les autorités organisent la résistance. Avec une indiscutable efficacité.

Publié le 4 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Botswana, pour beaucoup d’entre nous, rime avec « exception ». Avec sa démocratie, ses mines de diamant, dont la plus grande au monde, ses merveilles naturelles, du parc de Chobe au delta de l’Okavango en passant par le désert du Kalahari, ce pays avait tout pour devenir le premier État développé du continent. Tout à fait stable, très bien tenu, sans pauvreté apparente. Le niveau de développement se traduit également par des infrastructures sanitaires en très bon état et très bien équipées, des routes parfaites, une couverture électrique et téléphonique du territoire quasi totale. Trois mille dollars de revenus par habitant, des investisseurs en confiance, le Bechuanaland, son nom lorsqu’il accède à l’indépendance en 1966, avait réussi à sortir du fléau de la pauvreté, alors qu’au début des années 1970, il comptait parmi les vingt pays les plus pauvres de la planète.
Mais pour votre serviteur, et pour tous ceux qui s’intéressent au sujet, Botswana rime pourtant avec sida. La pandémie qui a entraîné le pays dans une chute infernale. En septembre 2002, rien dans le décor n’évoquait la maladie, alors que l’on aurait pu s’attendre à en voir les stigmates à chaque coin de rue, au moins à Gaborone, la capitale. Pas un message publicitaire sur la longue route entre l’aéroport et le centre-ville. Pas de distributeurs de préservatifs non plus. Pas de tracts promouvant telle ou telle association ou centre d’écoute. Bref aucun signe de toutes ces petites choses dont on se dit déjà qu’elles sont le strict minimum pour lutter contre le sida. Juste une espèce de tristesse nous enveloppant lorsque, en parlant avec trois personnes, on s’aperçoit que, selon les statistiques (38,5 % de séropositifs), l’une d’elles sera morte dans la décennie à venir. Pourtant, tout le monde sait. Présentez-vous comme journaliste, et l’on vous répondra « You are here for HIV Aids ». Oui, j’étais là pour le VIH, et j’aurais aimé que ce fût pour autre chose. D’abord parce qu’il y a un trop-plein d’émotions. Dur de réaliser que cette population se meurt. Dur d’abandonner ces orphelins séropositifs après les avoir portés quelques instants dans vos bras et échangé avec eux un peu de cette tendresse qui leur manque tant. Et dur de réaliser que ceux qui sont séronégatifs, privés de leurs parents et sans instituteurs, décimés par le fléau, représentent une génération perdue. Ce pays reste pourtant un modèle pour le continent. Fidèle à son histoire, le Botswana, avec en première ligne son président, Festus Mogae, a pris les choses à bras-le-corps. Le gouvernement mobilise enfin ses ressources financières conséquentes pour fournir des antirétroviraux à sa population. Aidé, dans un premier temps, par un laboratoire pharmaceutique et une fondation. Et cela fonctionne. On se prend donc à y croire, et, en juin 2003, les nuages assombrissant le bush botswanais se sont éclaircis. Rien n’est gagné, mais tout ce qui est nécessaire à la victoire a été fait. Les médicaments, certes, mais aussi la prévention, pour éviter qu’une seconde génération n’y laisse sa peau. Panneaux 4 x 3 dans les rues, ruban rouge apposé sur tous les documents du gouvernement, autocollants portant le numéro de téléphone gratuit permettant de s’informer sur la maladie distribués dans tous les magasins, préservatifs gratuits dans une centaine des distributeurs disséminés dans la ville et parfaitement approvisionnés, sont autant de signes que le pays a pris les choses en main. Contrairement au grand voisin, l’Afrique du Sud, tout autant affligé par la pandémie.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires