Une lutte de tous les instants

Si la progression du sida semble stabilisée, l’effort doit être poursuivi pour enrayer les autres maladies, et notamment le paludisme.

Publié le 4 août 2003 Lecture : 5 minutes.

«Seulement » 6,5 % de la population séropositive en décembre 2001, contre plus de 7 % en 1997… Si l’on en croit les dernières estimations de l’Onusida, la progression de l’épidémie serait stabilisée, le Burkina aurait réussi là où de nombreux pays échouent. En tout cas sur le sida, car d’autres chiffres sont beaucoup moins encourageants : au cours des dix dernières années, la mortalité infantile (décès survenant avant 5 ans) est passée de 94 ä à 105 ä, et la mortalité infanto-juvénile (décès survenant entre 5 et 15 ans) de 187 ä à 219 ä. Selon le ministère de la Santé, cette dégradation est due aux maladies transmissibles, notamment le paludisme, à la malnutrition, aux maladies diarrhéiques, aux infections respiratoires aiguës, au sida et… aux insuffisances du système de santé.
Les lacunes sont indéniables. En 2002, seuls 90 % des enfants burkinabè avaient reçu, dans le cadre du Programme élargi de vaccination, le vaccin du BCG, 64 % celui contre la rougeole, et 61 % celui contre la fièvre jaune. Le pays avait pourtant souscrit, en février 1999, à la stratégie de Prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (PCIME) préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette démarche, qui associe tous les programmes de lutte préexistant en la matière, vise à prévenir et à traiter toutes les maladies infantiles, notamment en informant les familles sur les moyens à mettre en oeuvre au quotidien pour prémunir leurs enfants des infections. Mais quatre ans après son adoption, le Burkina réfléchit toujours aux moyens de mettre en oeuvre cette PCIME.
En attendant, le gouvernement poursuit les initiatives ciblées contre chacune des grandes endémies, dans le cadre d’un Plan national de développement sanitaire, qui court de 2001 à 2010. Fonctionnant par tranches triennales, il établit des politiques adaptables aux évolutions des différentes pathologies. La plus importante concerne la lutte contre le paludisme, qui est, comme le rappelle le ministre de la Santé Alain Yoda, « notre principal problème puisqu’il est responsable de plus de 43 % de la mortalité ». Le taux de mortalité étant au Burkina de 17,07 ä, le paludisme causerait donc 94 300 décès par an. Ne disposant toujours pas de vaccin contre cette maladie, le seul recours est une prévention efficace. Il revient aux comités villageois de lutte contre le paludisme d’informer les populations sur les moyens de se prémunir contre les moustiques, vecteurs du parasite : utilisation de moustiquaires imprégnées (2 500 F CFA pièce, soit près de 4 euros), prescription de traitements préventifs aux femmes enceintes, protection des bébés.
Les recherches en méthodes de prévention efficaces se multiplient. Une invention digne d’un premier prix au concours Lépine devrait par exemple être officiellement lancée dans les prochaines semaines à l’initiative du Premier ministre. Il s’agit d’une lampe à pétrole munie d’un récepteur radio et d’un réceptacle à spirales anti-moustiques. Ainsi, « alors que les villageois deviseront autour de la lumière et des informations, ils seront protégés contre les vecteurs de la maladie », explique fièrement le ministre de la Santé. Financés pour moitié par l’État et pour moitié par un donateur anonyme, trois millions d’exemplaires de ces lampes seront distribués gratuitement en septembre, suivis, dans un second temps, par sept autres millions.
L’autre priorité nationale en matière de santé est évidemment le sida. En 2001, la mortalité due à l’infection par le VIH est restée inférieure à 0,01 %. Des chiffres à relativiser. D’abord parce que, comme l’explique Christine Naré, directrice du Centre hospitalier national Yalgado-Ouédraogo de Ouagadougou, « bon nombre de patients viennent consulter pour des maladies opportunistes, et le personnel de santé n’a pas encore le réflexe de penser au sida et de faire pratiquer un test de dépistage. Une personne souffrant d’une tuberculose liée au sida sera donc comptabilisée dans les infections respiratoires. » Ensuite parce que le sida est une bombe à retardement. Sans mesures d’envergure, ces proportions devraient augmenter dans les années à venir.
La dernière décision en date est plutôt encourageante. Dispensant des médicaments essentiels en version générique depuis 1992, la Centrale d’achat des médicaments génériques (Cameg) possède désormais des copies d’antirétroviraux (ARV) grâce à un accord conclu en avril entre le gouvernement burkinabè et le laboratoire indien Cipla. Le traitement mensuel revient aujourd’hui à 20 000 F CFA pour les trithérapies les plus simples, soit une diminution de prix de 50 % à 80 %. Mais avec un salaire moyen de 25 000 F CFA, les Burkinabè ne peuvent toujours pas y accéder, à moins d’être pris en charge. Ce que le gouvernement ne fera pas. Avec les 19 millions de dollars (16,5 millions d’euros) qu’il vient de toucher du Fonds mondial de lutte contre le sida, la malaria et la tuberculose, le Conseil national de lutte contre le sida (CNLS) – dont le président Compaoré a pris la tête – se chargera des malades hospitalisés, équipera les hôpitaux en matériel permettant de dépister la population et de soigner les infections opportunistes développées par les séropositifs et les sidéens.
Selon Lanzare Banssé, directeur de la Cameg, « soigner gratuitement la population la déresponsabilise. Il faudra de toute façon qu’elle paye une petite partie du traitement ». La distribution d’ARV est donc bien souvent le fait d’associations (tout comme la sensibilisation) qui les prescrivent selon un protocole fixé par le ministère de la Santé et le CNLS. Les centres de traitement ambulatoire de la Croix-Rouge, situés à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, sont les plus importants prescripteurs d’ARV. Ils assurent également le suivi de leurs malades. Actuellement, 600 patients sont sous traitement. Mais le plus important est certainement que les mentalités commencent à évoluer. La stigmatisation tendant à s’atténuer, au moins dans les villes, qui restent les plus touchées, le centre hospitalier Yalgado va enfin ouvrir un service spécialisé dans le traitement au sida, dit « Centre d’excellence ». Jusqu’à maintenant, « nous répartissions les malades dans les services correspondant aux infections opportunistes dont ils souffraient », explique Christine Naré. Ce centre, créé dans le cadre du programme français de coopération Esther, comportera 28 lits et permettra de traiter 90 personnes en consultation externe.
L’autre signe encourageant de responsabilisation des autorités est la présence de tous les partenaires au sein du CNLS : associations, institutions internationales (Pnud et Onusida) y siègent avec les autorités locales. Le Pnud joue d’ailleurs un rôle très important en appuyant le gouvernement dans l’élaboration de ces stratégies, notamment dans la mise en place d’un programme multisectoriel. « Ce n’était pas facile, explique Marc Saba, chargé du programme Sida et développement au bureau local du Pnud, car le gouvernement n’avait pas d’expérience en la matière. » Mais lors d’une table ronde organisée en juin 2002, les bailleurs de fonds ont été suffisamment convaincus pour financer 95 % de la somme demandée – soit 54 millions de dollars – pour couvrir un certain nombre de besoins jusqu’en 2005. Toutefois, un nouveau cadre devra être élaboré, car « il faut désormais inclure le coût des ARV », explique Saba. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Reste à étendre les efforts à tous ceux qui en ont besoin.

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