Taylor met le feu au… Ghana

Contrairement à son célèbre homonyme, le jeune prodige ne déchaîne que des passions sportives. Et financières.

Publié le 4 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Il se fait appeler Charles Taylor, mais son vrai nom est Bismarck Kwaku Asante Asampong. Le jeune prodige du foot ghanéen empêche le ballon de tourner rond. Même les récents conseils de la Fédération internationale de football (Fifa) aux instances nationales n’ont pu ramener le calme, dans un pays où le foot est presque une religion.
L’Association du football ghanéen (GFA) ne sait pas comment se sortir de l’imbroglio juridique dans lequel l’a plongée celui qu’elle avait sacré joueur de l’année 2001 et qui faisait la fierté du foot ghanéen. Senior depuis deux ans, Taylor a déjà un beau palmarès : trois fois champion du Ghana, vainqueur de la Coupe d’Afrique des champions en 2000 et meilleur buteur du championnat 2002.
Tout a commencé le 3 mars 2003, quand Charles Taylor demande à la direction de son club, les Hearts of Oak d’Accra, son transfert à l’Asante Kotoko de Kumasi, le grand rival. Lequel, au même moment, intime aux Hearts de libérer Taylor. La réponse cingle : pas question de se séparer du joueur, puisqu’il a signé en novembre 2002 une prolongation de contrat de trois ans. Le club assortit son refus d’un bonus significatif pour Taylor, qui, bien qu’ayant modestement débuté (il a été acheté 90 millions de cedis – 10 650 dollars – au Accra Great Olympics, en 2000), commence à développer des qualités de businessman. Avec 100 millions de cedis, Taylor semble accepter de rester dans le club de la capitale – victorieux des championnats ghanéens depuis 1996 – et joue la rencontre du 9 mars qui oppose les éternels ennemis. Ce sera l’un de ses derniers matchs sous les couleurs des Hearts. Le 6 avril, on l’aperçoit au stade de Kumasi, où il a même déjà emménagé. Entre-temps, les dirigeants du Kotoko avaient effectivement renchéri : ils auraient proposé au petit génie 400 millions de cedis, une maison et une voiture, la nouvelle Golf.
En avril et en mai, alors que la tension monte entre les deux clubs, Taylor fuit le Ghana et s’entraîne en Suisse, puis en Italie. Le FC Zurich propose 200 000 dollars pour acheter ses services. Mais avec qui négocier ? Tenté par une carrière internationale, comme son aîné Ishmael Addo, évoluant aujourd’hui en Israël après avoir été prêté au club français de Bastia, Taylor revient pourtant au pays et semble déterminé à tâter du ballon avec les Asante.
Mais les Hearts se cramponnent à leur buteur. Depuis le départ d’Addo, Taylor est indispensable à l’équipe pour lui permettre de conserver son titre. Et son possible rachat à court terme par une équipe européenne renflouerait les caisses vides du club.
Début juin, la GFA est saisie de l’affaire et demande aux protagonistes de se rencontrer. Le 14, Taylor manifeste par écrit son désir de jouer avec les Asante Kotoko. « Ma décision est irréversible », clame-t-il. Détermination toujours intacte, même si la GFA l’a condamné à une suspension de quatre mois et à une amende de 650 millions de cedis à payer aux Hearts, pour devenir un « joueur libre de tout contrat ». C’est justement cette liberté que les Hearts lui refusent. Taylor leur appartient et, s’il le faut, ils porteront le litige devant les tribunaux.
Le conseil donné par la Fifa, à la demande de la GFA, le 15 juillet, n’a pas non plus permis de régler le désaccord. En répondant qu’« une fois la période de suspension terminée, le joueur doit être en mesure de continuer sa carrière sans autre forme de compensation due à son ancien club », la Fifa, qui n’a aucune autorité dans les litiges internes aux États, a ranimé la polémique. Depuis cette date, les deux clubs n’en finissent plus de s’attaquer. La direction des Hearts of Oak s’émeut de la « faible » somme que représentent les 650 millions de cedis, par rapport à la manne que leur aurait rapportée la vente de Taylor à un club européen. Et l’Asante Kotoko s’offusque de « l’hypocrisie » des Hearts, qui gagnent déjà six fois plus que ce que le joueur leur a coûté.
En attendant, tout le monde y perd : Taylor ne joue pas, les Kotokos et les Hearts (qui viennent de se faire éliminer en Coupe d’Afrique des champions) ne savent plus sur quel pied jouer pour organiser leurs équipes, et la GFA y perd son latin.

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