Plaidoyer pour la fibre africaine

Le président Compaoré se fait l’avocat des pays africains en dénonçant les subventions accordées par les États-Unis et l’Europe à leurs producteurs.

Publié le 4 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Branle-bas de combat. La période estivale n’est pas de tout repos pour les ambassadeurs du Bénin, du Burkina, du Mali et du Tchad auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Genève (Suisse). Les réunions de concertation se succèdent à un rythme effréné. Les diplomates et leurs conseillers économiques ont été mobilisés pour défendre comme jamais les intérêts de leurs pays respectifs. Sur la table, un seul dossier : la survie du coton de l’Afrique de l’Ouest et du Centre ; une cible à abattre : les subventions exorbitantes accordées par les États-Unis et l’Union européenne à leurs producteurs de coton ; et un planning serré, tant le temps presse. La cinquième conférence ministérielle de l’OMC, qui doit faire le point sur les négociations commerciales engagées depuis novembre 2001 dans le cadre du cycle de Doha, aura lieu à Cancún (Mexique) du 10 au 14 septembre prochain. Les Africains exigent que les pays riches s’engagent, lors de ces assises, à réduire progressivement leurs subventions et à fixer une date précise pour leur élimination pure et simple.
Ouagadougou est à la pointe de cette bataille commerciale. Le ton a été donné par la visite surprise de Blaise Compaoré, le 10 juin dernier, au siège de l’OMC. Le président burkinabè a alors dénoncé, au nom de tous les pays producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest et centrale, ces mesures de soutien qui, en gonflant l’offre sur le marché mondial, entraînent la baisse des cours du coton et anéantissent les efforts consentis par les Africains pour développer la filière. Et d’égrener chiffres et comparaisons : en 2001, les subventions des pays riches à leurs agriculteurs étaient six fois plus élevées que leur aide au développement (311 milliards de dollars contre 55 milliards), et les aides à leurs producteurs de coton 60 % plus élevées que le Produit intérieur brut (PIB) du Burkina. À cause d’elles, le Burkina a d’ailleurs perdu 1 % de son PIB en 2001 et 12 % de ses recettes d’exportation. Et le Bénin, le Mali et le Tchad connaissent des conséquences similaires.
Le directeur général de l’OMC, le Thaïlandais Supachai Panitchpakdi, qui avait reçu les doléances de Blaise Compaoré à Genève, a réaffirmé son soutien aux Africains le 11 juillet à Maputo (Mozambique), lors du sommet de l’Union africaine. Cela sera-t-il suffisant ? Pas sûr. À Cancún, les négociateurs américains – flanqués d’experts juridiques rodés aux négociations commerciales et régulièrement inondés de tracts par les puissantes organisations de producteurs de fibre – et les Européens – passés maîtres dans l’art de noyer le poisson avec de belles déclarations d’intention – ne feront pas de cadeau.
La mobilisation du Bénin, du Burkina, du Mali et du Tchad est inédite, mais elle paraît bien tardive. Leur proposition d’initiative sectorielle sur le coton, réclamant un échéancier pour la suppression des subventions, mais aussi des compensations financières « en attendant », n’a été soumise à l’OMC que le 30 avril 2003. Et les actions de lobbying, fondamentales dans ce type d’offensive, n’ont démarré qu’avec l’expédition suisse du président du Faso.
Dans la foulée, une réunion ministérielle de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) sur la défense et la promotion de la filière s’est tenue à Ouagadougou, du 16 au 19 juin, pour établir un programme de travail à la hauteur de l’importance du rendez-vous de Cancún. Il s’agit surtout de renforcer les moyens humains des délégations des quatre pays africains les plus déterminés, réunies dans une task force à cheval entre Genève, siège de l’OMC, et Bruxelles, qui abrite le secrétariat général des pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) mobilisé pour l’occasion. Alors que les grands de ce monde regardent de haut les gesticulations des pays pauvres, ceux-ci se montrent prêts à saisir l’organe de règlement des différends de l’OMC, c’est-à-dire à passer du lobbying politique à l’affrontement juridique. Pour cela, les diplomates devront peut-être durcir le ton. Sans oublier un instant que les espoirs des paysans de Bobo (Burkina) ou de Kandi (Bénin) reposent désormais sur leurs épaules.

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