Mahamadou Issoufou : « Des faux grotesques »

Publié le 4 août 2003 Lecture : 2 minutes.

Il est ingénieur des mines, ancien directeur technique de la Société minière de l’Aïr (Somaïr), ex-directeur des mines de son pays, ancien Premier ministre, ancien président de l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, l’opposant le plus irréductible au régime du président Mamadou Tandja. Qui mieux que Mahamadou Issoufou, le leader du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme et candidat malheureux à la présidentielle de 1999, peut parler avec autorité de l’uranium nigérien(*) ?
« Notre uranium est géré par deux sociétés, la Somaïr (créée en 1968), dont les mines sont à ciel ouvert, et la Compagnie minière d’Akouta (Cominak, créée en 1974) dont les mines sont souterraines. Après le départ des Italiens (Agip) et des Allemands (Urangselschaft), au début des années 1980, la Somaïr n’a plus aujourd’hui pour actionnaires que la Cogema (française) et le Niger, à travers l’Office national des ressources minières (Onarep). La Cominak est, pour sa part, gérée par l’Onarem, la Cogema, un groupe japonais (Ourd) et une société espagnole (Enusa). Ce sont des sociétés de production, qui enlèvent – c’est le terme consacré – l’uranium pour le revendre à qui elles veulent.
« Chaque année, les actionnaires se réunissent (en présence d’un représentant du gouvernement nigérien, qui préside la séance) pour fixer les prix et déterminer la quantité d’uranium à produire. Les sociétés établissent en conséquence leur programme et produisent strictement la quantité fixée. On ne garde pas de stocks et chaque actionnaire enlève le minerai au prorata de sa participation au capital.
« D’ailleurs, le produit extrait n’est pas vraiment, si l’on doit être rigoureux, de l’uranium, mais de l’uranate de soude (Somaïr) et de l’uranate de magnésie (Cominak), les deux étant de la poudre jaune (yellowcake). Le minerai est traité sur place, concassé et broyé. L’uranate est mis en fûts et transporté par camions, sous haute protection de la gendarmerie nigérienne, vers Parakou, au Bénin voisin, qui est la porte naturelle du Niger vers l’Océan. De Parakou, le tout est acheminé par train vers Cotonou, ensuite par bateau vers l’Europe, l’Asie et l’Amérique. Tout le processus est donc étroitement contrôlé, de la production jusqu’à l’embarquement sur les navires, au Port autonome de Cotonou. Un certificat de conformité est même signé et envoyé à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le Niger étant signataire du Traité de non-prolifération des armes nucléaires. Aucun actionnaire ne peut enlever l’uranium sans que les autres n’en soient informés. Et il y a une compagnie militaire devant chacune de nos usines.
« Depuis la fin des années 1980, le Niger a cessé d’enlever sa part d’uranium. Les 1000 tonnes de la Somaïr sont entièrement enlevées par la Cogema, les 2 000 ou 3 000 tonnes (c’est selon) de la Cominak le sont par la Cogema et les actionnaires japonais et espagnols. Autant vous dire que, depuis belle lurette, le Niger ne voit même plus la couleur de son uranium. Les documents produits par les Américains et les Britanniques sont donc des faux grotesques. »

* L’uranium est la principale source de revenus du Niger, qui en est le quatrième producteur mondial, après le Canada, l’Australie et la Namibie.

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