Musique : Amadou, Mariam et les marmots

Le duo malien, qui collabore avec les plus grands artistes internationaux, a hypnotisé une centaine d’écoliers de banlieue parisienne lors d’un atelier musical et pédagogique. Reportage.

Amadou et Mariam au cinéma Le Méliès, à Montreuil, le 25 janvier 2022 © YOAN VALAT/EPA/MAXPPP

eva sauphie

Publié le 5 février 2022 Lecture : 4 minutes.

En cette matinée de fin janvier, les couloirs du cinéma Le Méliès de Montreuil, en région parisienne, ont des allures de cour de récréation. Plus d’une centaine d’enfants âgés de 6 à 10 ans patientent en file indienne dans un tintamarre qui traduit leur excitation. Mais une fois installés dans la salle obscure, le silence s’impose naturellement. Les écoliers des établissements Madeleine-et-Louis-Odru et Jules-Ferry-2 sont hypnotisés par les premières notes de Bofou safou qu’Amadou Bagayoko accorde à la guitare avant le concert qu’il donnera avec sa moitié, Mariam Doumbia. Une élève fredonne déjà les paroles, qu’elle connaît par cœur, en bambara. « Mes copines ne comprenaient pas du tout le texte, mais moi j’ai pu leur traduire », confie la fillette de six ans, non sans fierté.

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En français et en bambara

Comme chaque année depuis 2008, le projet d’accompagnement musical et culturel la Cité des marmots, organisé par l’association Villes des musiques du monde en partenariat avec l’Éducation nationale, s’implante dans des territoires de l’Hexagone où la diversité culturelle est signifiante. Après Mouss et Hakim (ex-Zebda) l’année dernière, c’est au tour du duo malien Amadou et Mariam de parrainer cette édition, qui rassemble quelque 600 enfants de Seine-Saint-Denis, et pour la première fois des élèves de la cosmopolite ville de Marseille.

La musique traverse les générations et le temps. Entendre les enfants chanter inspire l’espoir

Ce n’est pas la première fois qu’Amadou et Mariam soutiennent ce genre d’initiative pédagogique. En 2013 déjà, ils lançaient le projet « Africa mon Afrique » et allaient à la rencontre des enfants des centres sociaux de la périphérie de Paris pour leur apprendre des morceaux de leur répertoire et préparer un mini-concert. « La musique traverse les générations et le temps. Entendre les enfants chanter inspire l’espoir », s’émeut Mariam. L’occasion, souvent, de valoriser la double culture des enfants nés en France de parents immigrés d’Afrique subsaharienne ou du nord. « On tenait à ce que les élèves chantent dans les deux langues, en français et en bambara, pour créer des liens », poursuit-elle.

Le duo voit aussi dans ces initiatives un moyen de faire passer des thèmes et messages éducatifs. « Bofou safou, c’est une chanson qui s’adresse aux fainéants qui ne veulent pas travailler », ironise la parolière face au public. « Vous avez compris les enfants, il faut travailler pour laisser une trace ! » complète Amadou.

« Comment êtes-vous tombés amoureux ? »

Lunettes de soleil blanches assorties, boubou incrusté de motifs mauves pour Mariam et costume lilas rehaussé d’une chemise rose pâle pour Amadou, le couple est en harmonie. « Comment êtes-vous tombés amoureux ? », demande sans détour l’un des élèves pendant la session réservée aux questions-réponses. En 1972, la CAN bat son plein. L’un des morceaux du groupe d’Amadou, Les Ambassadeurs, passe en boucle sur les bandes FM du pays. Le guitariste connaît une petite notoriété locale et se rend quelques années plus tard à l’Institut des jeunes aveugles de Bamako pour apprendre le braille et composer ses propres morceaux. « Mariam écrivait déjà des chansons là-bas, mais elle avait besoin d’un musicien, j’étais là ! », s’amuse Amadou.

Lorsque l’on est aveugle, on vit dans l’isolement. La musique nous a offert un moyen d’expression

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Les jeunes artistes d’alors forment bientôt un couple à la ville comme à la scène et se marient en 1980. Mais la carrière des musiciens a débuté bien avant leur rencontre. Mariam confie avoir commencé à chanter dans les mariages à six ans et donné son premier concert à 16 ans, dans la salle des anciens combattants de Bamako. De son côté, Amadou a appris la flûte et l’harmonica à dix ans, avant de gratter sa six-cordes. Depuis, le tandem, qui a raflé deux Victoires de la musique, a joué avec les plus grands artistes internationaux comme Manu Chao – producteur de l’album à succès Un dimanche à Bamako (2004), le Britannique Damon Albarn, le Français Mathieu Chedid ou encore le Nigérian Keziah Jones. Un parcours qui a de quoi fasciner le jeune auditoire.

« Le succès ne vient pas sans labeur »

« Est-ce que vous avez atteint vos rêves ? » entend-on. « Quand on était au Mali, on rêvait d’aller en France. Finalement on a fait cinq fois le tour du monde », s’étonne encore Amadou, qui le répète, le succès ne vient pas sans labeur. « On a prouvé que malgré notre handicap visuel, on pouvait réussir. Lorsque l’on est aveugle, on vit dans l’isolement. Mais la musique nous a offert un moyen d’expression et de communication. Un bon instrumentiste n’a pas besoin de voir pour jouer de la guitare. C’est en s’armant de patience que l’on récolte les fruits de son travail ».

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Place à l’interprétation du tube Sabili (« patience ») pour illustrer ses propos. Avant le rappel du morceau culte Un dimanche à Bamako, qui ne manque pas d’électriser la salle. Amadou, Mariam et les marmots chantent déjà à l’unisson, tapent des mains, sourires rivés aux lèvres. Un bon aperçu des concerts qui clôtureront ce cycle, du 13 au 28 juin au Point Fort d’Aubervilliers, au Parc Monceau de Montreuil, au Parc de la Liberté de la Courneuve et à l’Opéra de Marseille.

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