Lever de rideau sur l’Intifada

Dans « Nous sommes les enfants des camps », de jeunes Palestiniens jouent leur propre rôle. Et disent leur désir de paix.

Publié le 4 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Nous les connaissons sans les connaître. Nous les avons (trop) souvent regardé mourir sur les écrans de nos télés, mais rarement jouer, pleurer, rire ou tout simplement vivre. Sachant qu’excepté les caméras des reporters, presque personne n’ira vers eux, ils sont venus vers nous en proclamant « Nous sommes les enfants des camps ».
Tel est le titre d’une pièce jouée par la troupe Al-Rowwad, qui vient de boucler une première tournée de deux mois en France. Al-Rowwad (« les pionniers » en arabe) compte neuf garçons et sept filles âgés de 10 à 15 ans. Tous viennent d’Aïda, un camp près de Bethléem où s’entassent 4 000 personnes originaires de 35 villages détruits entre 1948 et 1967. Cette jeune compagnie est dirigée par Abdel Fattah Abou Sourour, biologiste de formation et homme de théâtre par vocation. Abdel Fattah a lui-même vu le jour à Aïda en 1963, et ses parents y vivent encore.
« Quand j’avais leur âge, on écrivait des pièces et on allait les jouer sur les collines à côté du camp, se souvient-il. Or, à partir de 1975, une grande colonie a été aménagée sur les flancs des collines où nous avions l’habitude de nous retrouver. Après les accords d’Oslo, on a encore perdu beaucoup plus de terre. Les enfants n’avaient plus d’espace pour jouer et s’exprimer… »
C’est ainsi qu’en 1998 lui est venue l’idée de créer un centre culturel afin d’offrir aux enfants « une alternative à la rue et aux affrontements avec les soldats qui entrent dans le camp et en sortent à leur guise ». « Je voulais leur montrer autre chose que les blessés, les morts, les handicapés à vie qui composent leur quotidien », poursuit Abdel Fattah Sourour, qui confesse vouloir colporter une image de l’enfant palestinien différente de celle du lanceur de pierres.
Dans un premier temps, le centre culturel qu’il a mis en place avec des amis bénévoles a élu domicile à la maison de la jeunesse. « Mais, du fait de la proximité de ce lieu avec le point militaire israélien, on était souvent bombardés et on a été contraints d’emménager dans un local à l’intérieur du camp. Cet espace est régulièrement transformé en clinique d’urgence… »
Le centre Al-Rowwad est fréquenté par plus de quarante-cinq enfants qui y poursuivent une activité de leur choix (théâtre, peinture, danse traditionnelle, lecture, Internet, etc.). Les pièces qui ont été montées n’ont malheureusement jamais pu être jouées dans un théâtre en Palestine. Il y a plus de deux ans, la troupe avait réservé le Théâtre national palestinien pour y donner Un homme sur le trottoir, une pièce de feu Saadallah Wannous, un des plus grands dramaturges arabes. Entre-temps, la deuxième Intifada a éclaté, et les enfants n’ont jamais pu monter sur les planches.
Dans Nous sommes les enfants des camps, les jeunes comédiens jouent leur propre vie, leur passé, celui de leurs parents. Ils évoquent aussi leur avenir incertain et la paix improbable. D’ailleurs, la pièce a été écrite en se fondant sur leurs propositions spontanées et improvisées. « C’était pour eux l’occasion de montrer des bouts de leur vie et de se rendre compte qu’il y a des gens qui les écoutent, malgré l’hypocrisie internationale… Nous nous sommes souvent sentis seuls. C’est très important que ces enfants gardent espoir », explique le metteur en scène. Grâce à cette tournée en France, certains d’entre eux ont pu pour la première fois quitter le camp où ils ont vu le jour. « C’est important qu’ils viennent non pas dans un cadre de charité, mais d’échange culturel. Je ne veux pas que les gens se disent : « On a fait quelque chose pour la Palestine. On a la conscience tranquille. » Je ne veux pas qu’ils aient la conscience tranquille », martèle Abdel Fattah Sourour.

http://alrowwad.virtualactivism.net/french/

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