Les oubliés de la paix

El-Béchir et Garang semblent – presque – d’accord pour mettre fin à la guerre civile et se partager le pouvoir. En marginalisant leurs opposants respectifs.

Publié le 4 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Après trois semaines de tergiversations (J.A.I. n° 2219), le gouvernement soudanais et les rebelles sudistes du Mouvement populaire pour la libération du Soudan (MPLS) devraient engager le septième round des négociations de paix le 10 août, à Nakuru (Kenya). Les principaux points de désaccord concernent la question évidemment essentielle du partage du pouvoir, mais aussi la répartition des ressources pétrolières, la mise en place de mesures de sécurité et le statut de la capitale pendant la période intérimaire de six ans à l’issue de laquelle les populations du Sud seront appelées à se prononcer sur leur maintien dans la future fédération.
Les deux parties seront en outre confrontées à un problème qu’elles étaient jusqu’ici parvenues à esquiver. Les mouvements d’opposition (nordistes) au régime d’Omar Hassan el-Béchir et ceux qui, parmi les sudistes, ne reconnaissent pas l’autorité de John Garang, le chef du MPLS, insistent en effet pour avoir leur mot à dire dans un éventuel accord. Tout compte fait, ce n’est peut-être pas une si mauvaise nouvelle pour le processus de paix, même si les négociations pourraient s’en trouver prolongées de plusieurs semaines.
La poursuite du tête-à-tête entre le gouvernement et le MPLS est en effet lourde de menaces : les deux parties exercent, dans leurs zones d’influence respectives, un pouvoir sans partage et passablement intolérant, soumises qu’elles sont à l’influence des fondamentalistes, musulmans d’un côté, chrétiens de l’autre. Elles n’ont à l’évidence d’autre objectif que de renforcer autant que possible leurs positions, en marginalisant toutes les autres forces politiques. La preuve : au-delà de leurs divergences sur la sécurité et sur l’application de la charia dans la capitale, gouvernementaux et rebelles ne sont pas loin d’un accord sur un partage du pouvoir. Khartoum envisage en effet de laisser au seul MPLS le soin de gouverner le sud du pays au cours des six prochaines années. Et de partager avec lui, au niveau national, les sièges au Parlement et les postes ministériels – dans des proportions qui restent à déterminer.
Outre un rôle accru dans le processus de paix, les mouvements d’opposition, les représentants de la société civile et les réformateurs réclament davantage de démocratie. Ils sont, sur ce point, en phase avec les Américains, qui insistent beaucoup en ce sens auprès d’el-Béchir et de Garang. Le 27 juillet, les deux principaux mouvements d’opposition nordistes, la Umma, de l’ancien Premier ministre Sadek el-Mahdi, et le Parti unioniste démocratique de Mohamed el-Mirghani, ont fait valoir qu’un accord de paix devra s’accompagner d’un « programme de transition démocratique » permettant de faciliter la conclusion et l’application de l’accord de paix. Dans le camp sudiste, les adversaires de Garang redoutent l’instauration d’un régime totalitaire dans la zone contrôlée par le MPLS. Perspective d’autant plus inquiétante que les antagonismes sont profonds entre les principales ethnies (et même en leur sein) : les Dinkas (celle de Garang), les Nuers et les Chillouks. Des intellectuels établis aux États- Unis ont par exemple écrit au médiateur kényan, le général Lazaro Sumbeiywo, pour le mettre en garde contre le danger qu’il y aurait à confier au MPLS le monopole de la gestion des affaires du Sud.
Ces appels seront-ils entendus ? Au sein même du pouvoir central, des voix commencent à s’en faire l’écho. « Le Soudan doit rompre avec les erreurs du passé, en finir avec le totalitarisme et se rallier au pluralisme politique », a ainsi estimé, le 26 juillet, Mustapha Ismaïl, le ministre des Affaires étrangères, lors d’un séminaire à Khartoum.

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