La relance au banc d’essai

Le gouvernement se montre plutôt satisfait des premiers résultats du plan de soutien économique. Mais tout le monde ne partage pas son optimisme.

Publié le 4 août 2003 Lecture : 4 minutes.

Abdelkader Khelil, le ministre algérien délégué à la Relance économique, en est convaincu : les premiers résultats du plan triennal lancé en avril 2001 sont « appréciables ». « Il y a une évolution significative dans l’exécution des projets », a-t-il assuré, le 21 juillet, lors d’une conférence-débat au centre de presse du quotidien El Moudjahid. Un optimisme alimenté par une série de chiffres que le ministre se plaît à égrener : sur les 14 250 projets engagés entre septembre 2001 et juin 2003 dans le cadre de ce Plan de soutien à la relance économique (PSRE), 7 760 ont été menés à leur terme, 3 810 sont en cours d’exécution et plus de 3 000 sont en phase dite de lancement. Des réalisations qui, pour l’essentiel, doivent être portées au crédit des collectivités locales, ainsi que des secteurs de l’agriculture (un quart des palmeraies ont été réhabilitées), de l’enseignement supérieur, de l’énergie, de l’habitat et de l’urbanisme.
Seuls quelques grands projets ont connu des problèmes, en raison de « difficultés de financement extérieur » et de « l’insuffisance des moyens de réalisation ». Sur le terrain, en effet, le PSRE a beaucoup pâti d’une grave pénurie de matériaux de construction (le déficit est officiellement évalué à 960 000 t), qui a contraint l’État à importer plus de 1 million de t de ciment, mais aussi de la lourdeur et de la lenteur des procédures de passation des marchés publics.
Le bilan, fût-il partiel, du plan de relance serait-il plus mitigé que le ministre veut bien le dire ? La presse algérienne se montre sceptique. « Trois ans après sa mise en oeuvre, écrivait par exemple le quotidien Liberté Algérie au lendemain de l’intervention de Khelil, le PSRE n’a toujours pas atteint les résultats escomptés. » Même son de cloche à La Tribune, qui, citant plusieurs économistes, estime que « l’impact sur le taux de chômage des projets inscrits dans le Plan est insignifiant ».
L’emploi était pourtant l’une des priorités affichées par le gouvernement en avril 2001. L’idée de départ était simple – et d’inspiration keynésienne : la forte dévaluation du dinar algérien, en 1992, ayant laminé le pouvoir d’achat, il est indispensable de stimuler la demande intérieure et, à terme, la croissance par des investissements d’État. Plus concrètement, il s’agissait de lancer des grands chantiers dans des secteurs requérant une main-d’oeuvre abondante : le bâtiment, l’agriculture et les infrastructures de base. Côté financement, il suffisait, estimait-on, de piocher dans la cagnotte pétrolière, dont le montant, en 2000, était estimé à 20 milliards de dollars. De fait, l’enveloppe budgétaire allouée à l’opération a été d’une importance sans précédent : 525 milliards de dinars (7,2 milliards de dollars). Cette somme colossale a été répartie entre cinq postes budgétaires : 45 milliards de dinars pour l’appui aux réformes ; 65,3 milliards pour l’agriculture et la pêche ; 114 milliards à l’appui au développement local ; 210,5 milliards aux grands travaux d’infrastructures et 90,2 milliards pour le développement des ressources humaines.
Résultat : les 474 milliards dépensés à ce jour ont permis, selon Khelil, d’améliorer les conditions de vie de 4,3 millions de personnes et de « désenclaver » 4 millions d’autres. « Il faut raisonner en termes de satisfaction des besoins essentiels des gens, souligne le ministre. C’est là qu’il y a eu une évolution, qu’il s’agisse de l’alimentation en eau potable, en gaz et en électricité, du remplissage des classes ou même du ramassage scolaire. »
Reste que près de 30 % de la population active est toujours au chômage. Pis encore, le chiffre dépasserait la barre des 50 % pour les jeunes de moins de 25 ans. Une contre-performance qui place l’Algérie en queue de peloton des pays arabes. Le gouvernement, lui, assure que le Plan a permis la création de plus de 500 000 emplois, « dont 49 % sont permanents ». Sur cette question, le pessimisme ambiant est parfois exagéré, martèle Khelil, qui dénonce « l’amalgame » entre les vrais chômeurs et « ces sans-travail que sont les jeunes résidant à l’étranger, ceux qui font leur service militaire ou ceux qui travaillent dans le secteur informel ». Selon lui, le taux de chômage réel « se situe plutôt entre 25 % et 28 % » des actifs. « Une wilaya [département] comme celle d’Adrar, dans le sud-ouest du pays, ne compte que 19 % de chômeurs et celle de Biskra, au Sud-Est, 16 % », plaide-t-il.
Autres priorités affichées par le gouvernement en avril 2001 : la correction des disparités régionales et la lutte contre la pauvreté. Dans ces domaines-là aussi, l’optimisme béat n’est pas franchement de mise. Un rapport des Nations unies pour la coopération et le développement rendu public début juillet relève un « retournement des indices de pauvreté » pour la période 2002-2006, alors que lesdits indices « avaient évolué sans discontinuer de manière positive au cours des deux premières décennies de l’indépendance ». On assiste donc aujourd’hui à « une aggravation de la situation de certaines couches de la population », notamment dans les campagnes. Et pourtant, Khelil n’en démord pas : « Nous n’avons jamais dit que le PSRE allait régler tous les problèmes accumulés en une décennie, mais il y a une vraie amélioration du quotidien des gens. »
L’évolution de l’économie algérienne demeure toutefois incertaine. D’autant que le PSRE pèse sur les dépenses publiques : les investissements, par exemple, ont augmenté de 32 % en 2002. Côté croissance, il est difficile de se prononcer. « Le PSRE est un plan de soutien, rappelle Khelil. Il n’a pas pour mission d’assurer la croissance. » Évaluée à 2,1 % en 2001, celle-ci devait se stabiliser autour de 4,5 % en 2003 (7 %, selon Khelil). Et c’est bien là que le bât blesse : pour réduire le chômage et absorber les deux cent mille personnes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, il faudrait qu’elle avoisine les 8 %.

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