Cameroun – « Free Bibou Nissack » : l’épouse du porte-parole de Maurice Kamto ne veut plus se taire
Une détention provisoire de dix-huit mois, une peine de sept ans de prison ferme… L’heure de la mobilisation en faveur d’Olivier Bibou Nissack a sonné.
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Jeanne Edith Bibou Nissack
Fondatrice du Free Bibou Nissack Movement #FreeAllPrisonersOfConscience ; Mouvement Libérez Bibou Nissack #LibérezTousLesPrisonniersDeConscience’’
Publié le 4 février 2022 Lecture : 5 minutes.
Jusqu’à son enlèvement à notre domicile, le 21 septembre dernier, Olivier Bibou Nissack, mon époux, était, au Cameroun, celui qui porte la voix des sans-voix : un être profondément engagé dans la lutte contre l’oppression et l’injustice. Condamné à sept ans d’emprisonnement ferme pour avoir voulu participer à une marche pacifique, il fait face aujourd’hui, lui aussi, à ces deux périls. Il me semble important que des personnes décident de lui renvoyer l’ascenseur en devenant, à leur tour, les Bibou Nissack de Bibou Nissack. Je me considère comme l’une de ces personnes.
Trop de citoyens de notre chère patrie subissent des emprisonnements injustifiés en droit du simple fait de leurs opinions. C’est le cas de la quarantaine de cadres et militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), condamnés en même temps que mon époux, le 27 décembre dernier.
Être condamné à sept ans de prison ferme par un tribunal militaire pour avoir voulu participer à une marche pacifique est une incongruité
C’est aussi celui de certains prisonniers de conscience issus des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, incarcérés non pas pour avoir commis un crime de sang, mais pour avoir pacifiquement exprimé des opinions politiques dissidentes. Être condamné à sept ans de prison ferme par un tribunal militaire pour avoir voulu participer à une marche pacifique est une incongruité.
Tout aussi incongrues sont les étapes qui ont précédé cette sentence extrajudiciaire : l’arrestation, sans mandat, de mon mari à notre domicile ; sa détention pendant 72 heures dans un service de police ; son transfèrement dans un camp militaire, celui du secrétariat d’État à la Défense (SED) ; ses 40 jours de « garde à vue » – une durée inconcevable ; son placement en détention provisoire pendant plus de dix-huit mois, alors que la loi en fixe la durée maximale à 18 mois répartis en tranches de six mois renouvelables deux fois au plus ; un procès militaire bâclé, au mépris des engagements internationaux pris par l’État du Cameroun et en violation de la jurisprudence de sa Cour suprême interdisant formellement le jugement de civils par des juridictions militaires. Cette interdiction vaut davantage encore pour les acteurs politiques, tel Olivier Bibou Nissack, qui, en la matière, jouissent simplement de leurs prérogatives civiques et politiques consacrées.
Broyer les symboles
Prononcés pour punir des citoyens dont le seul crime est d’avoir voulu jouir des droits fondamentaux que leur garantit la Constitution, ces emprisonnements arbitraires ne sont pas acceptables. Ils le sont d’autant moins qu’ils ont aussi des conséquences humaines et sociales désastreuses. Des familles sont mises en péril, des emplois disparaissent car des entreprises ferment en l’absence de leurs promoteurs attitrés… Cette dimension aussi doit être prise en considération.
En effet, bien que ces décisions arbitraires et illégales de mise en détention portent la marque évidente d’un certain bras politique, leur ampleur et leur portée vont bien au-delà du seul champ politique et des seules personnes ainsi condamnées. Pour avoir aussi vu et subi de près le caractère inhumain de cette machine à broyer les esprits libres et indépendants, j’ai plus que jamais la conviction, acquise durant toutes ces années au côté d’Olivier Bibou Nissack, qu’il ne faut jamais plier l’échine devant l’oppression et l’injustice. Les valeurs de justice et d’équité sont symboliquement mises à mort sur la place publique et devant tous, à travers la cible, le symbole, que représentent Olivier Bibou Nissack et ses compagnons condamnés. Il faut par conséquent le dénoncer énergiquement et œuvrer à y mettre un terme.
Dénoncer l’oppression
Pour que l’oubli et l’indifférence ne viennent pas recouvrir de leurs voiles ces abus, j’ai mis sur pied le « Free Bibou Nissack Movement », une initiative humanitaire qui entend rassembler toutes celles et tous ceux qui pensent qu’il existe un non-dit derrière la condamnation arbitraire d’Olivier Bibou Nissack : cette sentence inique a valeur d’exemple. Elle vise à briser un homme en détruisant tous ses liens sociaux, en le plaçant en rupture de ban. Ses adversaires politiques veulent effrayer tous les potentiels contestataires. En réalité, ils révèlent leur lâcheté.
En restant silencieux devant ces injustices qui se multiplient, nous leur apportons notre caution
« Free Bibou Nissack » est aussi une cause motivée par le désir de sauvegarde et de respect des valeurs, les vraies. Elles ne peuvent pas être réduites au silence et à l’enfermement pour que le boulevard social soit pris d’assaut par l’éphémère éclat de personnes immorales voulant, par tous les moyens, faire des citoyens camerounais les complices de leurs crimes contre l’éthique et la moralité publique, commis quotidiennement contre les citoyens ordinaires. En restant silencieux devant ces injustices qui se multiplient, nous leur apportons notre caution.
Une Coupe d’Afrique des nations au rabais
Pour le défenseur des droits humains qu’est mon époux, se taire face à l’oppression en refusant de la dénoncer ou de la combattre, c’est en devenir objectivement un partisan. Je refuse donc d’apporter, par mon silence et mon inaction, ma caution à ce spectacle désolant d’une justice pratiquant l’injustice et dégradant ainsi par corruption le corps social tout entier jusqu’à le prendre en otage derrière des desseins politiques inavoués.
Quelle ironie du sort que de voir les uns et les autres heureux du déroulement de la Coupe d’Afrique des nations [CAN] au Cameroun. Le rejet d’une CAN au rabais, prétexte à des détournements de fonds publics, était, avec la pacification des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’une des raisons majeures de la tentative de marche pacifique qui a conduit à l’arrestation de mon époux et de ses compagnons.
Si Bibou Nissack et ses camarades avaient été écoutés, cette CAN n’aurait jamais été un centre de gabegie financière, pas plus qu’elle n’aurait été endeuillée
En un sens, cette CAN et le minimum infrastructurel qu’elle donne à voir sont le fruit de la pression de mon époux et de ses compagnons. S’ils avaient été écoutés, elle n’aurait certainement jamais été un centre de gabegie financière, pas plus qu’elle n’aurait été endeuillée comme elle l’a été au stade d’Olembe !
Avec « Free Bibou Nissack Movement », je m’engage, de manière non partisane et apolitique, contre l’arbitraire que subissent mon époux et tant d’autres. Je propose aux Camerounais, mais également à tous les citoyens du monde, quelles que soient leurs nationalités, de marquer leur attachement à la défense des valeurs et droits fondamentaux inaliénables de liberté d’expression et d’opinion, via les modalités constitutionnelles et conventionnelles internationales. En la déclarant apolitique et non partisane, j’ai voulu ainsi dire que cette initiative était inclusive et rassemblait au-delà des partis politiques et des idéologies. Les adhérents et les sympathisants du « Free Bibou Nissack Movement » se recrutent partout où la dénonciation de l’arbitraire s’impose comme une nécessité.
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