Hiroshima vitrifié

Publié le 4 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Quarante-trois secondes. Il a fallu quarante-trois secondes à l’engin de mort embarqué dans la soute du bombardier Enola Gay pour pulvériser la ville d’Hiroshima. Un éclair aveuglant déchire le ciel. Il n’y a pas d’impact. L’arme explose à 580 mètres d’altitude. La chaleur dégagée par la déflagration dépasse le million de degrés. Le centre-ville est entièrement détruit, vitrifié par l’explosion ou carbonisé par l’onde de feu. C’est l’apocalypse. 140 000 morts. Des images capturées par quatre photographes japonais, qui ont pu se rendre dans le périmètre de l’explosion, témoignent de l’horreur de la frappe. Par milliers, des corps calcinés émergent des amas de décombres. Les blessés, privés de secours, errent dans les rues, hagards. Les heures qui suivent l’attaque sont glaciales. Une pluie de gouttelettes noires et radioactives, des fines particules de carbone mélangées au produit de la condensation de l’eau des rivières, du ciel et de la terre, s’abat sur la ville en cendres : c’est l’hiver nucléaire. Le nuage de poussières mettra plusieurs jours à se dissiper.
Techniquement, le largage de la première arme atomique est une réussite. Le pilote Paul Tibbets et son équipage sont indemnes. Les Américains savaient qu’ils n’avaient rien à craindre de l’aviation du pays du Soleil-Levant : faute de pièces de rechange et de carburant, elle était clouée au sol depuis des semaines. Leur seule préoccupation concernait la procédure de dégagement d’Enola Gay. « Little Boy », la bombe à uranium, ralentie dans sa descente par un parachute, ne devait pas se désintégrer trop tôt, car son souffle aurait emporté l’appareil…

Depuis le début de la guerre, les Américains travaillaient secrètement à la fabrication de l’arme nouvelle qui leur procurerait l’avantage décisif sur l’Allemagne et le Japon. Quand le projet « Manhattan » aboutit, le 16 juillet 1945, avec l’explosion de la première bombe au plutonium à Alamogordo, dans le désert du Nouveau-Mexique, la guerre a déjà pris fin en Europe. Mais le Japon résiste encore. L’invasion terrestre de l’archipel paraît inévitable. Elle risque d’être meurtrière. L’état-major américain veut abréger la guerre. Et obtenir une capitulation « à moindres frais ». Quitte à raser des villes entières. Dès avril 1945, dix-sept cibles potentielles sont « pré-sélectionnées » : la baie de Tokyo, Kawasaki, Yokohama, Nagoya, Osaka, Kobe, Kyoto, Hiroshima, Kure, Yahata, Kokura, Shimonoseki, Yamaguchi, Kumamoto, Fukuoka, Nagasaki, Sasebo. En mai, trois cibles sont retenues, Kyoto, Hiroshima, Niigata. En juin, Kyoto est retiré de la liste et remplacé par Kokura. Le 25 juillet, le président Truman donne l’ordre de planifier des frappes contre Hiroshima, Kokura, Niigata ou Nagasaki. Fin juillet, Hiroshima est défini objectif numéro un, et Niigata est retiré de la liste. Le 6 août, Hiroshima est attaqué. La ville de 350 000 habitants abritait une importante base militaire et avait été épargnée par les bombardements. C’était le champ d’expérimentation idéal pour évaluer précisément les dommages causés par la nouvelle arme…

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Trois jours après Hiroshima, Nagasaki connaît à son tour l’apocalypse. L’arme au plutonium tue sur le coup 75 000 personnes. Le Japon capitule. Pas les maladies dues aux radiations, qui au total feront autant de morts que les bombardements proprement dits. Dans les semaines, les mois et les années qui suivent l’attaque, les rescapés (hibakusas) voient apparaître d’étranges et inquiétants symptômes : vomissements, diarrhées, perte des cheveux, diminution du nombre des globules blancs, éruptions cutanées. Les victimes de brûlures superficielles se couvrent de boursouflures. Des enfants naissent malformés. En mars 2001, l’archipel nippon recensait encore 291 000 hibakusas. Dont 88 000 à Hiroshima.

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