Ernest Paramanga Yonli

Premier ministre burkinabè

Publié le 4 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Ernest Paramanga Yonli, né en 1956 dans l’est du pays, dirige le gouvernement depuis novembre 2000. Après les élections législatives de juin 2002, son équipe « d’ouverture » a été recentrée sur le parti présidentiel, le Conseil pour la démocratie et le progrès (CDP), qui a remporté 57 sièges (contre 54 pour l’opposition). Le pays a alors été frappé de plein fouet par le conflit ivoirien. Le Premier ministre fait le point sur les conséquences de cette crise, et sur celle qui secoue la classe politique burkinabè.

Jeune Afrique /l’Intelligent : Quelles ont été les conséquences économiques de la crise ivoirienne pour le Burkina ?
Ernest Paramanga Yonli : L’activité économique s’est arrêtée et les rentrées fiscales ont fortement diminué. Toutes les entreprises ont connu un surenchérissement des coûts, aussi bien à l’exportation qu’à l’importation. Ceux-ci ont varié de 20 % à 40 % selon les sociétés, les types de produit et les volumes.
J.A.I. Combien cela a-t-il coûté à l’État ?
E.P.Y. : À la fin du mois de décembre 2002, nous avons évalué les pertes directes à environ 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros). Mais des effets induits se feront sentir en 2003. Nous avons donc voté une loi de finances rectificative pour 2002 et avons révisé notre budget pour 2003. Notre besoin de financement est passé de 56 milliards à 82 milliards de F CFA pour l’année.
J.A.I. : Avant cela, les prévisions de croissance étaient plutôt bonnes…
E.P.Y. : Au lieu des 5,6 % prévus pour 2002 avant la crise, nos sommes tombés à 4,6 %. Nous avons amorti le choc. Mais, avec l’ensemble de nos partenaires, notamment le Fonds monétaire international (FMI), nous tablions sur une croissance de 6,5 % en 2003. Nous pensons maintenant qu’elle ne pourra dépasser 3 %.
J.A.I. : Comment avez-vous géré l’afflux de rapatriés burkinabè ?
E.P.Y. : Nous avions estimé leur nombre entre 500 000 et 1 million. Au dernier recensement, le 10 juillet, ils étaient 315 000. Dès le début du conflit, nous avons tenté d’anticiper leur retour en mettant en place l’opération Ba-Yiri (« Retour à la patrie »). Dans le cadre du « plan d’appui à la réinsertion », nous avons raccompagné chaque rapatrié dans son village d’origine. Avec l’aide de nos partenaires, nous avons débloqué une enveloppe de 4 milliards de F CFA pour faciliter leur réinsertion.
J.A.I. : Sur le plan intérieur, les élections législatives de juin 2002 devaient donner lieu à la désignation officielle d’un chef de l’opposition. Pourquoi cela n’a-t-il pas été le cas ?
E.P.Y. : Le dispositif juridique n’est toujours pas en place. La loi a été adoptée avant les élections, mais il manque un décret d’application pour qu’elle entre en vigueur. Après les élections, Hermann Yaméogo, le chef de file de l’opposition, m’a adressé un projet de décret, que j’ai transmis au président de l’Assemblée nationale. Pour l’améliorer, nous avons ouvert des consultations avec les différents groupes parlementaires. Ces consultations s’étant achevées fin juin, je devrais bientôt recevoir le projet définitif. Nous pourrons donc voter le décret d’application du statut de l’opposition avant la fin de l’année.
J.A.I. : Entre-temps, l’opposition a été victime de ses luttes intestines. Comment expliquez-vous ces querelles perpétuelles ?
E.P.Y. : D’abord par l’excès de partis : l’opposition ne compte pas moins de soixante-dix formations. Vous pensez vraiment qu’il y a soixante-dix projets de société pour développer ce pays ? S’il y a tant de partis, cela veut dire que certains regroupements ne sont fondés sur rien, ou sur des choses futiles. Par principe, je suis contre cette multiplicité de mouvements politiques. Trois ou quatre grands partis seraient suffisants pour présenter des programmes alternatifs.
J.A.I. : Comment les Burkinabè peuvent-ils se reconnaître dans une telle diversité politique ?
E.P.Y. : Le rôle des partis est de contribuer à l’animation et à la formation politique des citoyens. Ce qu’aucun ne fait. La politique des dirigeants se résume à quelques déclarations publiées dans la presse nationale. Cette critique vaut aussi pour la majorité. Je pense que nous pouvons faire plus. Il s’agit d’une déficience collective, qui n’est pas assumée. Ce manque de convictions, à l’origine des divisions, est dommageable pour la démocratie intérieure.

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