Discours d’urgence

Publié le 4 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Dire que ce discours du Trône, le quatrième depuis l’accession au pouvoir de Mohammed VI, était attendu par les Marocains est un euphémisme. Dix semaines après les attentats terroristes de Casablanca, le roi a prononcé, le 30 juillet, une allocution particulièrement dense et ferme, placée sous le signe de l’urgence, de l’autocritique et du « redressement », qui, a-t-il insisté, « doit s’opérer dans le parcours de la nation ». Un souverain grave et tendu, toujours traumatisé à l’évidence par le carnage du 16 mai, ce « souvenir cruel », ce « forfait abject » perpétré par « les forces du mal et des ténèbres », dont le destin est de finir au fond des « poubelles de l’Histoire ».

Urgence, donc, en ce qui concerne la définition du rôle et de la place de la religion dans la vie politique du royaume : « Nous n’accepterons jamais que l’islam soit utilisé comme un tremplin pour assouvir des ambitions de commandement », a martelé le roi, avant d’exhorter les députés à adopter au plus vite une loi sur les partis et formations politiques interdisant toute référence religieuse ou linguistique. Nul doute que les islamistes modérés du Parti de la justice et du développement (PJD) et ceux de Justice et Bienfaisance, le mouvement de Cheikh Yacine, ont dû se sentir visés lorsque M6 a fustigé « ceux qui brandissent des thèmes et des slogans vains et creux ». Urgence, aussi, dans le domaine de la lutte contre l’habitat insalubre, terreau des jeunes kamikazes du 16 mai. Après avoir reconnu que rien ou presque n’a été fait en ce sens ces dernières années, le roi se livre à un constat inquiétant : ce sont « de véritables villes sauvages », des « foyers d’exclusion, d’ostracisme et de haine » qui, selon lui, se développent à la périphérie des agglomérations du royaume. « La situation risque de devenir ingérable », a-t-il ajouté, même si « elle n’est pas pour autant désespérée ». Urgence, enfin, à réformer cet immense chantier qu’est l’éducation, ce système d’enseignement « à la marocaine » presque à la dérive, producteur de chômeurs et de désespoir, héritage empoisonné de l’ère Hassan II. Le souverain exige à ce sujet que, « dès la rentrée 2004-2005 », tout ait été fait afin que les jeunes reçoivent « un enseignement moderne de qualité, une éducation saine et adéquate ». Il était temps…..

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Agir vite et sur l’essentiel : telle est la leçon que Mohammed VI a retenue du 16 mai. Quitte à traiter en quelques lignes de son discours des thèmes aussi actuels que le Sahara (une « cause sacrée », un « conflit artificiel » à propos d’un territoire à composante indissociable de l’identité du Maroc), la réforme du statut des femmes, celle de la Justice ou la consolidation de la démocratie. Pas un mot sur le travail du gouvernement et celui des élus, comme si le roi voulait que l’on sache, en creux, combien il était agacé de devoir lui-même « monter au créneau » sur des dossiers que la classe politique dans son ensemble aurait dû assumer – et régler – à sa place. Ni les islamistes, dont les procès se multiplient en cet été de fièvre, ni le journaliste emprisonné Ali Lmrabet ne pouvaient donc, dans ce contexte, espérer une quelconque mansuétude de la part d’un Mohammed VI aussi pugnace. Chacun ainsi aura remarqué que l’hommage traditionnel rendu en fin d’allocution aux forces de sécurité (armée, police, gendarmerie) s’accompagne cette fois de la « ferme détermination » du souverain de les doter de « moyens matériels, humains et légaux » accrus. Inscrit sous le thème de la fin du laxisme et de l’irresponsabilité collective, ce quatrième discours du Trône de Mohammed VI n’était pas du style – souvent pompeux et lénifiant – que les Marocains ont l’habitude d’entendre, avait prévenu son auteur en guise de liminaire. On l’aura compris. Encore faut-il qu’il ne s’agisse pas là d’un nouveau prêche dans le désert…

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