Demain est un autre jour

Au Maroc, en Tunisie et en Égypte, les résultats du premier semestre sont franchement décevants. Mais la reprise semble s’amorcer.

Publié le 4 août 2003 Lecture : 5 minutes.

On l’annonçait catastrophique. Pour l’instant, elle n’est que décevante. Au bout du compte, la saison touristique 2003 ne restera certainement pas dans les annales comme un cru exceptionnel. Surtout dans les trois pays maghrébins où ce secteur d’activité contribue largement à la croissance : le Maroc, la Tunisie et l’Égypte. Pour les autres, c’est moins grave. Depuis la prise en otage de touristes étrangers, au mois de février, les quelques aventuriers qui avaient repris la route du Sahara algérien se sont prudemment repliés sur d’autres destinations. Et le tourisme libyen n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements, même si Mouammar Kadhafi a annoncé, fin juin, son ambition d’en faire un moteur du développement.
L’année avait pourtant bien commencé. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le nombre de visiteurs a sensiblement augmenté au Maroc et en Tunisie, au mois de janvier : + 18,6 % par rapport à l’année précédente pour le premier, + 5,3 % pour la seconde. En Égypte, pourtant considérée par le public comme « moyen-orientale » et donc davantage exposée aux conséquences des attentats du 11 septembre 2001, la progression a été encore plus spectaculaire : + 64,3 % en janvier, + 21,7 % en février. Il est vrai qu’on revenait de loin. Après deux années exceptionnelles (2000 et 2001), 2002 avait été, pour les professionnels, un véritable cauchemar.
Hélas ! le mois de mars a été marqué par un complet renversement de tendance. À cause, bien sûr, de la guerre en Irak. « Ce qui est nouveau par rapport aux crises que nous avons connues dans le passé, explique Amal Karioun, président de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc (FNAVM), c’est que celle-ci dure depuis presque deux ans. Dès qu’une amélioration semble se dessiner, on reçoit un nouveau coup de marteau sur la tête. » Résultat : presque 22 % de touristes en moins en Tunisie et en Égypte. Et avril a été à peine moins mauvais : – 15,3 % en Égypte et – 8,4 % en Tunisie. Curieusement, seul le Maroc est parvenu à tirer son épingle du jeu.
Les touristes européens ont en effet réagi de manière très différente à la crise irakienne. Traditionnellement très nombreux en Tunisie, les Allemands se sont massivement abstenus de voyager hors d’Europe, alors que les Français, qui, au Maroc, représentent plus de la moitié des visiteurs, n’ont pas changé grand-chose à leurs projets de vacances. « Certains marchés se sont écroulés, reconnaît Fathia Bennis, directrice générale de l’Office national marocain du tourisme (ONMT). Les Italiens, par exemple, ont réagi de manière très émotive et ont massivement fait défection. De même, la clientèle allemande a diminué de presque un tiers. En revanche, le nombre de Français est resté à peu près stable. »
Cette timide reprise du tourisme marocain n’a malheureusement pas résisté aux attentats de Casablanca. En mai et en juin, les visiteurs ont été moins nombreux que l’année précédente (- 8 % au cours de ce dernier mois). Les autorités et les professionnels s’efforcent pourtant de dédramatiser. « Les attentats de Casa ont été ressentis à l’étranger de manière moins négative que ceux de Louxor, en 1997, ou même de Djerba, l’an dernier, explique Amal Karioun. Le gouvernement, les tour-opérateurs et les agences de voyages ont fort bien communiqué et, surtout, nous n’avons pas tenté de minimiser le problème. » À Marrakech, par exemple, de gros efforts ont été faits, dans les jours qui ont suivi le drame, pour séduire et rassurer les visiteurs. Les frais d’annulation de réservation ont ainsi été supprimés, pour les groupes, jusqu’en décembre. Aux grands maux, les grands remèdes… « Si nous terminons l’année avec une fréquentation en baisse de 25 %, nous pourrons nous estimer heureux, commente Amal Karioun. Nous n’en sommes plus à réfléchir en termes de bons ou de mauvais crus. La seule question qui nous préoccupe, c’est : comment survivre ? »
Pour rester attractifs, hôteliers et agences de voyages ont dû revoir leurs prix à la baisse. Néanmoins, le conseil régional du tourisme de Marrakech, région qui attire la moitié des touristes, estime à 30 % les pertes subies par les hôtels 5 étoiles (19 % pour les 4 étoiles), au cours du premier semestre. En Tunisie, certains hôteliers auraient, dit-on, consenti aux voyagistes des tarifs bien inférieurs aux prix de revient. Ce qui a conduit les autorités à insister auprès de la fédération hôtelière pour que les prix pratiqués ne portent pas atteinte à la rentabilité du secteur. D’autant que, dans le même temps, les rentrées de devises ont baissé de manière inquiétante : – 5,9 % au cours du premier trimestre. À la date du 20 juillet, les recettes touristiques depuis le début de l’année s’élevaient à 911 millions de dinars, soit une diminution de 5,6 % par rapport à l’année précédente. Le ralentissement affecte également les investissements. À ce jour, vingt-trois projets touristiques ont été arrêtés en pleins travaux, et une quarantaine d’autres n’ont pu démarrer à la date prévue.
L’Égypte, qui a pourtant bénéficié d’une augmentation globale de la fréquentation au premier trimestre, ne fait guère mieux. Au cours des trois premiers mois de cette année, les recettes touristiques n’ont pas dépassé 813,4 millions de dollars, contre 3,42 milliards l’année dernière et 4,32 milliards en 2001. Le ministre du Tourisme reste pourtant optimiste. Le 27 juillet, il a annoncé que les pertes provoquées par la guerre en Irak seraient finalement inférieures aux prévisions (2 milliards de dollars).
Le marasme est tel que mieux vaut sans doute penser à l’avenir. La Tunisie profite du faible taux d’occupation des hôtels pour mettre à niveau 139 unités vieilles de plus de vingt ans. Le gouvernement marocain vient quant à lui de signer un accord de partenariat avec un géant du tourisme mondial, l’allemand TUI et sa filiale française Nouvelles Frontières. Dès l’hiver prochain, des vols charters devraient relier les grandes villes françaises à Marrakech et Fès.
Partout, les professionnels tentent de recentrer leurs activités sur la clientèle nationale. L’Égypte offre ainsi à ses ressortissants des réductions de 50 % sur les vols intérieurs et les tarifs hôteliers. Le Maroc a opté pour la même politique, tout en s’efforçant d’attirer les Marocains de l’étranger en leur proposant des nuitées à 200 dirhams (18,5 euros) dans certains hôtels 4 étoiles. La Tunisie joue quant à elle la carte algérienne. Une grande campagne de promotion a été lancée, il y a quelques mois, et, depuis, les voyagistes algériens enregistrent un engouement exceptionnel pour le pays voisin.
En toute occurrence, tout le monde s’attend à une reprise au second semestre. En Tunisie, par exemple, les réservations en provenance de France ont augmenté de 17 % au mois de juillet, après avoir baissé de 10 % au cours du premier semestre (le ralentissement a été moindre sur le marché allemand). « Nous récupérons très vite, estime Ahmed Slouma, directeur général de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT). Nous avons enregistré une augmentation de 2 % des nuitées au cours de la première quinzaine de juillet, de 7 % pendant la troisième semaine et autour de 18 % pendant la quatrième. »
Pas d’affolement, donc : l’OMT estime que le capital-confiance dont bénéficient le Maroc, la Tunisie et, dans une moindre mesure, l’Égypte reste fort. Beaucoup plus, en tout cas, que celui des pays du Sud-Est asiatique, qui sont, eux, véritablement sinistrés.

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