Del Ponte sur le départ ?

Le procureur du Tribunal pénal international est accusé de négliger son poste à Arusha. Son mandat pourrait ne pas être renouvelé le 15 septembre.

Publié le 4 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Carla Del Ponte, le procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR), sait déjà à quoi s’en tenir : il lui sera quasiment impossible d’obtenir le renouvellement de son mandat de quatre ans à la tête du TPIR. Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, n’y est pas favorable. Il a déposé une recommandation en ce sens sur le bureau du Conseil de sécurité, appelé à voter sur ce sujet le 15 septembre prochain. Il préfère qu’elle continue à travailler uniquement pour le TPIY, théâtre de son principal succès, le procès de Slobodan Milosevic, toujours en cours.
Plusieurs éléments ont pu convaincre Annan, outre le soutien des États-Unis et de la Grande-Bretagne. D’abord, la difficulté à diriger deux cours spéciales qui travaillent dans des contextes politiques et juridiques très dissemblables, chacune à un bout de la planète. Conséquence ? Les résultats du TPIR sont sans éclat, même si parmi les neuf jugements figure celui du Premier ministre Jean Kambanda, premier chef de gouvernement à être condamné pour génocide et crime contre l’humanité. Au total, soixante personnes ont été arrêtées et transférées à Arusha (Tanzanie), siège du Tribunal. Il y a eu huit condamnations, un acquittement, et huit procès sont en cours.
La date limite pour les dernières inculpations est fixée au 14 septembre 2004, l’ensemble des travaux devant se clore en 2008. Enfin, le TPIR souffre de nombreux dysfonctionnements. « La gestion du parquet et du bureau du procureur, à Arusha, tient toujours de l’incurie et de l’incompétence. L’absence, pendant des mois, de procureur adjoint après le départ du Camerounais Bernard Muna, en est une illustration », estime un avocat de la défense. Inaptitude des juges, administration incapable, manque de traducteurs, le personnel et les avocats qui travaillent auprès de la cour ont de nombreux griefs à l’encontre de Carla Del Ponte, accusée de négliger son poste.
Celle-ci doit également faire face à l’hostilité des Rwandais. Discrètement soutenus par les Américains, ils mènent une campagne acharnée pour écarter le procureur. Ils ne lui pardonnent pas sa volonté d’enquêter sur les crimes commis au cours de la guerre et dans les six mois qui ont suivi la prise du pouvoir, par l’Armée patriotique rwandaise (APR) et le Front patriotique rwandais (FPR) conduits par l’actuel président – tutsi – de la République Paul Kagamé.
Mais il y a environ dix-huit mois, une équipe d’enquête du bureau du procureur a sélectionné huit noms de membres du FPR compromis dans des massacres entre juillet et septembre 1994. Il s’agissait de gens parmi ceux appelés les « Burundais » – anciens exilés au Burundi -, donc aucun responsable important. Toutefois, ils se sont défendus en rappelant que l’APR était une armée organisée qui ne pouvait rien entreprendre sans l’accord des chefs militaires. Le FPR a donc refusé toute mise en cause de ses membres.
En novembre 2002, nouvelle affaire : Carla Del Ponte se serait entretenue avec des membres des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et avec des combattants de l’Armée de libération du Rwanda (ALIR), assimilés par le gouvernement rwandais à des « génocideurs ». Or il semble que le procureur n’ait rencontré que des membres de la Concertation de l’opposition démocratique rwandaise. Pour le régime, Carla Del Ponte a perdu son « autorité morale » pour s’être « acoquinée avec les gens qui devraient faire l’objet de ses poursuites ».
Le Rwanda a également su exploiter habilement un incident important qui a eu lieu devant la 2e chambre de première instance. Les juges ont été accusés d’avoir ri alors qu’une victime de viol témoignait. Durant de longues semaines, Kigali a boycotté le tribunal, empêchant tous ses ressortissants de s’y rendre pour témoigner. En toute impunité, car les États-Unis ont fait discrètement pression sur le Conseil de sécurité pour que le Rwanda ne soit pas condamné pour ce blocage.
Au-delà du renouvellement – ou pas – du mandat de Carla Del Ponte à la tête du TPIR, se pose ici clairement le problème de l’indépendance des tribunaux internationaux.

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