Un canard déchaîné

Du nouveau dans les kiosques : « L’Époque », hebdomadaire satirique, paraît tous les mardis depuis le 21 juin.

Publié le 5 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Un Canard enchaîné en Algérie ? Si, si, c’est possible. La preuve : le bébé est né le 21 juin. Son nom : L’Époque, « l’hebdo qui taquine son temps ». Doté de seize pages en format tabloïd, le nouveau venu se porte bien. La maman aussi, quoique… Pour Baya Gacemi, directrice de la publication et gérante de la SARL, l’accouchement n’a pas été de tout repos, bien au contraire. Pourtant, cette ancienne journaliste d’Algérie Actualités, correspondante de l’hebdomadaire L’Express, désirait ce bébé depuis plusieurs années. Et puis, un jour, elle est passée à l’acte. Elle a demandé un agrément au ministère de la Justice, étape obligatoire. L’attente a duré deux ans, jusqu’à l’obtention du fameux sésame en 1999. La conception pouvait commencer.
Dès lors, il a fallu penser à la gestation. « Au départ, je voulais lancer un hebdo d’information générale, se souvient Baya Gacemi. Mais il n’y avait pas d’imprimeries disponibles pour ce format et cette périodicité. En outre, ça coûtait trop cher. » Alors Baya a pensé à d’autres formules : mensuel, trimestriel, magazine féminin… À chaque fois, des partenaires financiers se disaient intéressés par le projet, puis se dérobaient dès qu’il s’agissait de payer. « J’ai finalement opté pour un hebdo satirique. C’était la formule la moins chère et j’y tenais depuis longtemps. » Autour d’elle, Baya a rassemblé plusieurs personnes, dont Mohamed Toubal, un diffuseur de journaux devenu partenaire à part entière. Un atout maître quand on connaît les problèmes de distribution en Algérie. Parmi ses autres associés et collaborateurs, on trouve Nadjib Stambouli, le rédacteur en chef, « un gars qui rigole tout le temps » ; Chawki Amari, journaliste caricaturiste et non moins écrivain, l’une des plus belles plumes d’Alger ; et encore Hichem, alias Le Hic, ancien caricaturiste du quotidien Le Matin (qui a cessé de paraître en 2004), actuellement au Jeune Indépendant. Au total, une dizaine de journalistes participent à cette aventure. Tous sont de « vrais professionnels de la caricature, insiste Baya. Ils ont été enthousiasmés par le projet. » Et le résultat est concluant. Dans le premier numéro, on peut lire, par exemple, un excellent reportage sur l’Algiers Stock Exchange, la Bourse d’Alger inaugurée en 1999. « Actions inertes en Bourse molle », un édifiant récit d’une semaine passée dans les couloirs du bâtiment… À ne pas faire lire aux éventuels boursicoteurs ! Dans un tout autre registre, l’hebdo s’est également intéressé à « l’époque benbellienne », avant le coup d’État du 19 juin 1965. En ce temps-là, les blagues sur l’ancien président Ben Bella étaient légion, et le journal en reproduit quelques-unes, pour le plus grand bonheur des fans…
À en croire Baya Gacemi, il n’y a aucun sujet tabou dans le journal : « Les seules limites à ne pas dépasser sont la diffamation et l’insulte. À part ça, tous les sujets sont abordables. Mais, en Algérie, nous ne pouvons pas faire d’investigation comme Le Canard enchaîné en France. C’est difficile, et nous ne sommes pas sûrs d’être couverts par la Justice. En tout cas, il n’y aura pas de gags gratuits, mais des reportages et des enquêtes sur des sujets sérieux traités différemment. » Qu’on ne s’attende donc pas à des révélations comme celles du fameux appartement qui coûta son poste de ministre de l’Économie et des Finances au Français Hervé Gaymard. Car L’Époque veut durer, s’inscrire dans le temps. Et le pari est déjà osé pour l’hebdo satirique. Dans le passé, deux journaux avaient déjà tenté l’expérience, dont le plus connu, El-Manchar (littéralement : « la tronçonneuse »), est paru en 1991 et a disparu deux ans plus tard. Dès lors, le créneau était libre, sans que personne n’ose l’occuper. C’est désormais chose faite même si, sur le plan financier, L’Époque ne ressemble en rien au Canard enchaîné. Bien sûr, il n’y a pas de pub dans les deux premiers numéros. Du moins pas encore. « En Algérie, le lectorat est assez limité, explique Baya Gacemi. On ne peut donc pas compter uniquement sur les ventes à 20 dinars l’exemplaire. J’espère que nous aurons des annonceurs dans les prochaines livraisons. » D’ici là, Le Hic aura peut-être encore sa page « Ni pub ni soumis ». À moins qu’il réclame une augmentation…

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