Perquisition à Bercy

Publié le 4 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Décidément, en France, le poste de ministre de l’Économie ne porte pas chance à son titulaire. Déjà, il y a quelques mois, celui qui l’occupait, Hervé Gaymard, avait été contraint à la démission à la suite de révélations sur son appartement payé par l’État. Voilà que son successeur, Thierry Breton, est à son tour au centre de deux affaires. La première concerne l’entreprise Rhodia, spécialisée dans la chimie. Le ministre, quand il travaillait dans le privé, y occupait des postes importants : il présidait le comité d’audit du groupe et en était administrateur. Or Rhodia est en quasi-faillite. Fautes graves de gestion ? Dissimulations comptables ? C’est ce que cherchent à déterminer les deux juges chargés de l’enquête et saisis à la suite du dépôt de plusieurs plaintes.
L’autre affaire est tout aussi compliquée. Cette fois, il s’agit de préciser les raisons qui ont poussé Vivendi Universal à vendre, en septembre 2002, à bas prix selon certains, Canal + Technologies à Thomson Multimédia, dirigée alors par Breton. Jusque-là, rien que de très normal. Sauf que Thomson s’est empressée de revendre l’entreprise quelques mois plus tard empochant au passage une plus-value de plus de 100 millions d’euros. D’où une question qui se pose immédiatement : pourquoi Vivendi n’a-t-il pas fait l’opération pour son propre compte ? Pourquoi ce qui était considéré comme de faible valeur a-t-il trouvé preneur moins d’un an plus tard à un prix autrement plus alléchant ? Là encore, la justice enquête. Et n’y va pas de main morte : elle a perquisitionné, acte inédit, tant dans le bureau de Thierry Breton, à Bercy, qu’à son domicile privé, et a exigé que les secrets des ordinateurs du ministre lui soient livrés. C’est aussi que l’affaire place sous les feux des projecteurs deux noms de l’establishment parisien : outre Thierry Breton, Jean-René Fourtou, le président de Vivendi Universal. Le tout sur fond de roman policier : si l’affaire a éclaté, c’est à la suite de plaintes déposées notamment par Édouard Stern, un banquier français assassiné en février dernier à Genève par sa maîtresse et adepte, semble-t-il, de pratiques sado-masochistes.
Le ministre de l’Économie, lui, nie tout en bloc. « Je n’ai rien à me reprocher, dit-il. C’est une manipulation invraisemblable qui donne la nausée. » Pour le moment, cette situation n’a pas donné lieu à des affrontements politiques. La gauche se refuse à jeter de l’huile sur le feu. Il n’empêche que le trouble s’est installé au sein du gouvernement et dans la majorité de droite, et ce même si Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont fait procéder à leurs propres vérifications avant de confier à Thierry Breton le portefeuille de l’Économie. Certains redoutent une période difficile pour l’équipe du Premier ministre, surtout si le grand argentier devait être mis en examen. Et quelques députés, minoritaires, ont contesté le travail des juges, estimant qu’ils donnaient un aspect trop spectaculaire à leur action et outrepassaient leurs droits.

Voilà qui, en tout cas, ne va pas améliorer les relations entre les politiques et les juges. D’autant que les déclarations du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, estimant, à propos d’un magistrat ayant mis en liberté un récidiviste, que « le juge doit payer pour sa faute », ont mis le feu aux poudres dans le milieu judiciaire. Sans doute Chirac et Villepin ont-ils aussitôt tenu à rappeler l’indépendance de la justice. Mais celle-ci se sent toujours mal comprise et sous la pression de la classe politique, volontiers accusée de démagogie. C’est dire combien la colère gronde chez les magistrats.

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