Jean-Claude Gakosso : « Avec le Fespam, nous poursuivons notre travail de mémoire »

Le ministre congolais de la Culture donne les clés de la cinquième édition du Festival panafricain de musique, qui s’ouvre le 9 juillet et dont les manifestations sont réparties cette année entre Brazzaville, Kinshasa et Pointe-Noire.

Publié le 5 juillet 2005 Lecture : 4 minutes.

Pendant une semaine, du 9 au 16 juillet, Brazzaville, Pointe-Noire et Kinshasa seront les capitales de la musique partagée par les deux rives de l’océan Atlantique. Entre rumba congolaise, salsa cubaine ou encore zouk antillais, la cinquième édition du Festival panafricain de musique (Fespam) va revisiter « l’héritage de la musique africaine dans les Amériques et les Caraïbes ».
Si la programmation définitive réserve encore quelques surprises, cette cinquième édition parrainée par Joe Jackson, le père de Michael, sera l’occasion d’entendre de nombreux artistes du continent tout en élargissant l’horizon. Loin des facilités de la world music, le Fespam se veut avant tout un rendez-vous authentique de la musique, mais aussi un moment de fête et de culture placé sous le signe de la rencontre avec la diaspora. Outre les nombreux concerts et un carnaval sud-américain très prometteurs à Brazzaville et à Kinshasa, un symposium sur la tragédie de l’esclavage et la diffusion des rythmes africains sera organisé à Pointe-Noire.
« L’occasion de retrouver nos racines », selon le ministre congolais de la Culture, Jean-Claude Gakosso, très enthousiaste à l’approche de l’événement.

Jeune Afrique/l’Intelligent : Pourquoi avoir choisi le thème « Héritage de la musique africaine dans les Amériques et les Caraïbes » pour cette cinquième édition du Fespam ?
Jean-Claude Gakosso : L’année 2004 a été placée sous le signe de la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Il nous semblait donc logique de poursuivre ce travail de mémoire. Au Congo, nous allons ériger à Pointe-Noire un monument dédié à l’esclavage, près du site de Loango, où se trouvait un port d’embarquement. Les études menées outre-Atlantique ont montré que beaucoup d’esclaves étaient originaires de cette région, appelée à l’époque Congo et qui englobe aujourd’hui les deux Congos, le Gabon et l’Angola. Pour toutes ces raisons, nous avons l’intention de développer le tourisme à caractère culturel, dans la région de Pointe-Noire notamment.
J.A.I. : En attendant, le Fespam se veut avant tout un rendez-vous musical. Quelle est la programmation cette année ?
J.C.G. : Nous proposons une alternance entre musique moderne et musique traditionnelle. Avec la mondialisation, on a parfois le sentiment de perdre ses repères, il est donc important de retrouver ses racines. Parmi les grandes vedettes annoncées, on peut citer le chanteur sénégalais Baba Maal, la chanteuse Pierrette Adams et toute une série d’artistes du continent comme Extra Musica, Patrouille Stars mais aussi et surtout Koffi Olomidé et Papa Wemba. Nous avons aussi signé un contrat avec Joe Jackson, qui va envoyer à Brazzaville quatre vedettes américaines. Youssou Ndour et Manu Dibango ne se produiront pas, mais devraient être présents pour lancer, à la demande du président Denis Sassou Nguesso, « l’association de soutien aux artistes ». Alpha Blondy, reçu en 2003, devait être là, mais les contraintes financières ont empêché sa venue.
J.A.I. : Vous faites allusion aux difficultés financières pour organiser le Fespam…
J.C.G. : Le budget initial était de 4 milliards de F CFA, mais nous n’avons pas pu réunir cet argent. Le gouvernement nous a concédé une subvention de 2,5 milliards de F CFA. Nous avons aussi des partenaires privés, mais leur contribution est insuffisante. À nous d’être plus percutant pour les convaincre. Le manque d’argent est vraiment l’obstacle principal pour organiser cette manifestation. C’est dommage, car le Fespam est l’un des plus grands festivals musicaux sur le continent. Il constitue une belle occasion pour les artistes de se retrouver et de rencontrer leur public.
J.A.I. : Ne souffrez-vous pas d’une image ternie du fait de la guerre qui a sévi durant les années 1990 au Congo-Brazzaville ?
J.C.G. : Toute l’Afrique a une image brouillée, mais le Congo n’est plus en guerre depuis huit ans. Les préjugés ont la vie dure. À Brazzaville, il n’y a pas plus d’insécurité qu’à Paris. Je me suis fait voler mon ordinateur portable dans le TGV entre Paris et Bruxelles !
J.A.I. : N’est-il pas trop ambitieux d’organiser des manifestations à la fois à Brazzaville, à Pointe-Noire et à Kinshasa ?
J.C.G. : Le siège du Fespam est à Brazzaville, et seul un symposium est organisé à Pointe-Noire. Avec Kinshasa, nous avons la même histoire musicale et les plus grosses pointures régionales sont de RDC. Le plus bel exemple est Koffi Olomidé. Ce n’est pas raisonnable de célébrer la musique à Brazzaville et de laisser Kinshasa en marge de l’événement. Il suffit de traverser le fleuve. Je rappelle que, par endroits, il est possible d’entendre ce qui se passe sur l’autre rive !…
J.A.I. : Où se dérouleront les concerts à Brazzaville ?
J.C.G. : Nous avons choisi le stade Félix-Eboué, un nom emblématique puisqu’il est celui d’un descendant d’esclave de Guyane et qui a été gouverneur de l’Afrique-Équatoriale française. Ce stade situé au coeur de Brazzaville a été rénové avec l’appui de la Coopération française. C’est donc un symbole.

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