Hanna Laslo, la diva de Tel-Aviv

Révélée dans « Free zone » d’Amos Gitaï, pour lequel elle a obtenu le Prix d’interprétation féminine à Cannes en mai dernier, la comédienne israélienne a déjà derrière elle un long parcours au cinéma et à la télévision. Notre collaboratrice l’a rencontrée

Publié le 5 juillet 2005 Lecture : 4 minutes.

Dans un microscopique salon du Carlton, Hanna Laslo termine son Coca light en devisant avec l’un de ses assistants. Autour d’eux, des stagiaires vibrionnent, un attaché de presse triture nerveusement un agenda, un cameraman attend, sur le pied de guerre : le cadre et ses accessoires sont ceux d’une star, mais à la façon dont l’actrice rajuste les pans de sa tunique de lin blanc on devine que ce sont ses problèmes de poids qui, pour l’heure, occupent ses pensées. L’assistant éclate de rire, comme peu ou prou tout ce qui passe à portée de voix d’Hanna Laslo. De son humour redoutable et dévastateur, la comédienne a fait le combustible de one-woman shows à la télévision israélienne que l’on dit irrésistibles. La veille, le film dont elle est venue assurer la promotion a été projeté en compétition officielle.
Dernière oeuvre d’Amos Gitaï, le plus prolifique des réalisateurs israéliens, Free Zone conte le périple jordanien de deux femmes, l’Américaine Rebecca et l’Israélienne Hanna – auquel s’adjoindra, réconciliation entre les peuples oblige, une troisième comparse palestinienne. L’une, venue en Israël pour un voyage avec fiancé et belle-mère, se retrouve en pleurs sur le bas-côté après avoir rompu avec son promis, celui-ci lui ayant avoué le viol d’une jeune Palestinienne dans un camp, au temps de son service militaire. C’est l’Israélienne Hanna, en partance pour la Jordanie pour une sombre affaire de trafic de voitures, qui la prend dans son taxi : en mâchonnant quelques réserves de principe, ravie au fond d’avoir une compagne de route pour ce voyage au long cours.
Le film ne montre pas un Gitaï au sommet de sa forme. Natalie Portman y affiche son joli minois dont la mine boudeuse tient sans doute autant aux besoins du rôle (une femme seule, perdue dans un pays inconnu) qu’à l’inconfort de la star américaine trimballée en plein désert par une production dont le budget total doit à peine atteindre la colonne « faux frais » des blockbusters où elle apparaît d’ordinaire – pour ceux qui n’ont pas allumé la télévision ni ouvert un journal depuis longtemps, Portman est l’héroïne de La Revanche des Sith, dernier opus de la trilogie culte de George Lucas, Star Wars.
Mais l’héroïne, la star de Free Zone, est incontestablement Hanna Laslo. Sa présence, la chaleur de sa voix, sa maturité grommelante ont fait d’elle bien plus que la pépite de ce film fort inégal : l’une des révélations cannoises 2005.
Ce vendredi de mai, nonchalamment allongée sur un sofa immaculé, Hanna Laslo sait-elle qu’elle recevra deux jours plus tard le Prix de la meilleure interprétation féminine ? Ses gestes, ses postures, tout en elle désigne la diva. Drôle de diva tout de même, lestée d’une faconde de titi parisien et d’une perspicacité de mamma juive. Une caméra approche, et voilà que sa voix rauque se fait velours. « Ils tournent un film sur moi », susurre-t-elle en se lovant dans le canapé. Drôle de star, obsédée par les courbes imprévisibles de son poids. « Quand j’étais jeune et beaucoup plus mince [rires], je jouais les poulettes comiques. J’ai tourné avec Uri Zohar, qui est aujourd’hui rabbin. À l’époque, c’était une légende du cinéma israélien. »
Hanna Laslo n’aime pas l’idée que c’est Free Zone qui l’a révélée aux yeux de la planète cinéphile. « Je fais un one-woman show qui a reçu l’Academy Award. Et j’ai tourné dans des dizaines de films. » Reste que, sur sa filmographie, le dernier remonte à 1983. Suit une traversée du désert de vingt ans. Jalonnée de problèmes personnels et de propositions sans intérêt. « Je recevais beaucoup d’offres, mais toutes pour des comédies stupides. » Elle déprime sec. Prend du poids. C’est Gitaï – déjà lui – qui la sort du trou en 2002. Il projette de tourner Alila, une comédie qui fait tourbillonner une poignée de personnages déjantés autour d’une maison, objet de la convoitise de tous. Il a pensé à elle pour le rôle de Mali, l’énergique épouse d’un entrepreneur en travaux publics. « Amos ne m’avait pas retenue pour le casting de Yom Yom. Un jour, il m’appelle pour me proposer un rôle dans Alila. À l’époque, j’avais beaucoup de problèmes, j’avais pris beaucoup de poids, tout le monde m’enterrait ! Je lui ai dit : « Tu te souviens peut-être d’une fille mince, mais ce n’est plus moi. » Et puis nous avons parlé longuement, nous avons beaucoup ri. Aujourd’hui, socialement, c’est dur d’être gros. Je lui ai donc posé la question fatidique : « Veux-tu que je perde du poids ? » J’avais 50 ans. « Tu joues une femme de 50 ans. Tu ressembles à une femme de 50 ans. C’est exactement ce que je veux. » Alors que tous les réalisateurs me demandaient de maigrir, lui m’a rendu la confiance. Et au fond, nous, les acteurs, ne cherchons rien d’autre que cela : qu’on nous montre qu’on nous aime. »
Sur le plateau de Free Zone, Hanna Laslo a retrouvé confiance. « Amos m’a permis d’improviser. Avant le tournage, nous avons répété pendant trois semaines afin d’entrer dans les personnages. Une fois cela acquis, c’est évidemment beaucoup plus simple d’improviser. Le texte, dans ce cas, devient comme du maquillage qu’on travaille sur un visage, ou du pain qu’on pétrit [elle mime le geste]. Amos est très ouvert à l’improvisation, cela dépend ensuite des acteurs. L’improvisation ne s’apprend pas, c’est juste une question de rythme et de tempo. Moi, j’ai la chance d’avoir une oreille très musicale… »

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