Bénéfices à réinvestir

Grâce à l’envolée des recettes pétrolières, le gouvernement dispose d’une réelle aisance financière. Il compte bien en profiter pour améliorer au plus vite le cadre de vie de la population.

Publié le 5 juillet 2005 Lecture : 5 minutes.

A la veille de l’entrée en vigueur de l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne (UE), prévu le 1er juillet, Benita Ferrero-Waldner, la commissaire européenne aux Relations extérieures et à la Politique de voisinage, s’est rendue à Alger les 26 et 27 juin. Objectif : établir un premier contact avec le gouvernement d’Ahmed Ouyahia pour que Bruxelles et Alger mettent en place un plan d’action commun. À peine arrivée, elle a appris que ses interlocuteurs lui avaient déjà préparé un document de travail recensant toutes les propositions algériennes en matière de coopération avec l’UE. Au fil des heures de son séjour algérois, elle a pris la mesure des ambitions du président Abdelaziz Bouteflika : un programme quinquennal d’investissements publics de l’ordre de 4 000 milliards de dinars, soit plus de 50 milliards de dollars. Ce programme appelé Plan de consolidation de la croissance (PCC) succède à un plan triennal (2002-2004) de 7 milliards de dollars chargé de combler le retard accumulé par l’économie algérienne durant trois décennies de « socialisme scientifique », suivies de dix années de terrorisme islamiste (200 000 victimes et 25 milliards de dollars de dégâts). Grâce à ce plan d’urgence, le Produit intérieur brut par habitant est passé de 1 759 dollars en 2000 à 2 620 dollars en 2004. Le taux de chômage, qui frisait les 30 % de la population active en 1999, a été ramené à 17 % par la création d’un million d’emplois dont près de la moitié concernent l’agriculture, qui retrouve son lustre d’antan. La performance la plus spectaculaire vient de la téléphonie mobile et des technologies de l’information. Aujourd’hui, un Algérien sur quatre dispose d’un téléphone cellulaire, contre un sur deux cents en 1999. Les internautes se comptaient alors en milliers. En juin 2005, leur nombre dépasse le million, et les cybercafés fleurissent dans les villages les plus reculés du pays. Quant à la réalisation de la technopole de Sid Abdallah, située à quelques kilomètres à l’ouest de la capitale, elle se fait en coopération avec des partenaires sud-coréens et devrait voir le jour en 2007.
Destiné à améliorer le cadre de vie, le PCC consolide cette tendance et se concentre sur les grands travaux d’infrastructures. Ainsi, les 1 200 km de l’autoroute est-ouest, qui relie les frontières tunisienne et marocaine, devraient être achevés en 2008. Après avoir tenté, en vain, d’intéresser les partenaires étrangers à ce projet, « Boutef » a décidé qu’il serait pris totalement en charge par le budget de l’État. Soit une mobilisation de plus de 8 milliards de dollars pour les trois années à venir. Le nouveau terminal de l’aéroport international Houari-Boumedienne d’Alger a été confié à une entreprise chinoise, avec livraison prévue en 2006. Autre grand chantier en voie d’achèvement : le métro d’Alger, qui a bénéficié de nouvelles tranches de financement. Il vise à soulager le trafic routier dans la capitale et devrait être opérationnel en janvier 2007. Les travaux d’électrification de la voie ferrée qui dessert la périphérie d’Alger ont débuté. Le marché du tramway d’Oran et d’Annaba a été décroché par le français Thomson, pour un montant de 80 millions de dollars.
Mais on ne peut évoquer l’amélioration du cadre de vie de l’Algérien sans parler du problème de l’habitat. Les estimations de la demande nationale, sur la base d’un taux d’occupation par logement (TOL) de 5, font ressortir un déficit d’environ 1,1 million. Le PCC prévoit la réalisation du double, avec 2 millions de logements programmés d’ici à 2009. Pour cela, près de 94 000 hectares de terrains à bâtir ont été retenus. Il est vrai qu’il y a disparité entre les différentes régions en matière de disponibilité d’assiette foncière. Ainsi, pour les wilayas (préfectures) du littoral, la superficie disponible n’excède pas 31 m2 par habitant. Dans les Hauts Plateaux, ce chiffre passe à 38 m2, alors que le Sud et ses grands espaces permettent de voir plus large avec une disponibilité de 110 m2 par habitant. Le financement de la construction des deux millions de logements nécessite la mobilisation de plus de 10 milliards de dollars, dont 9 milliards sur le budget de l’État. Le reste est constitué d’apport de capitaux étrangers, essentiellement arabes (saoudiens, émiratis et qataris).
Comparée à ses voisins, l’Algérie s’est toujours singularisée par un déficit en matière de distribution d’eau potable. Aux caprices de la pluviosité s’ajoute un manque flagrant de barrages et de retenues. Abdelmalek Sellal, le ministre des Ressources hydriques, a lancé un plan national sur vingt ans et préconise un désengagement progressif de l’État, qui ne devrait intervenir qu’après la prise en charge des insuffisances qui caractérisent le secteur. Trois axes ont été retenus : accélération de la réalisation d’ouvrages hydriques, mobilisation de ressources non conventionnelles et optimisation de l’utilisation des grandes réserves stratégiques du Sahara. D’ici à 2009, le PCC prévoit la livraison d’une trentaine de barrages, connectés entre eux pour pallier, grâce à ce système de vases communicants, les caprices de la pluviosité, ainsi qu’une accélération du programme de dessalement de l’eau de mer. Quatre grandes stations sont déjà opérationnelles, et la réalisation de celle du Hamma, à Alger, a été attribuée à un consortium américain, pour un montant de 250 millions de dollars. Cette unité devrait produire près de 200 millions de mètres cubes par an, soit la moitié des besoins de la capitale. Autre ressource non conventionnelle : les eaux usées. À l’horizon 2010, l’Algérie devrait en évacuer plus de 750 millions de mètres cubes. Le PCC préconise d’en récupérer 500 millions pour un usage agricole et industriel et de réaliser 21 stations d’épuration dotées d’une capacité de 160 millions de mètres cube annuels. Pour l’ensemble des projets en cours et à venir du secteur, il devra mobiliser 7 milliards de dollars.
Le marché algérien présentait déjà un fort potentiel de développement. Transformé en immense chantier à ciel ouvert, le pays est devenu très attractif. Bien sûr, les mauvaises langues pourront toujours dire qu’une embellie financière (46 milliards de dollars en réserves de change au 30 mai 2005) favorise n’importe quel plan de développement. Toutefois, il serait injuste de considérer que l’Algérie utilise peu ou mal sa formidable cagnotte pour favoriser l’investissement étranger, moderniser ses infrastructures et améliorer la vie quotidienne.

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