Agence tous risques

Présente aux quatre coins du monde, la société française de sécurité réalise 30 % de son chiffre d’affaires en Afrique, où elle assure notamment la protection de plusieurs champs pétroliers et des employés qui y travaillent.

Publié le 5 juillet 2005 Lecture : 5 minutes.

Siège de Geos, à Montrouge, en banlieue parisienne, le 25 février 2002, 10 heures. La hotline de la société de sécurité française retentit. À 10 000 kilomètres de là, au Nigeria, un foreur d’une société pétrolière française a été kidnappé après un détour par le bush bar du coin, aux alentours de minuit. Moins de vingt-quatre heures plus tard, un négociateur de Geos entame sur place les recherches. La décision est prise de ne pas alerter les autorités, réputées pour réagir brutalement dans le delta du Niger. L’investigateur est un fin connaisseur du pays et maîtrise le broken english. Il n’aura aucun mal à remonter la piste des ravisseurs, qui le conduit à une tribu dont il connaît le chairman. Après la visite rituelle au village, la négociation de la rançon s’amorce sur la base de 2 millions de dollars. Au final, le négociateur, formé par Laurent Combalbert, ancien chef négociateur du Raid, la cellule d’intervention de la police française, obtiendra la libération de l’employé imprudent contre trois moteurs hors-bord flambant neufs d’une valeur totale de 40 000 dollars.
Des kidnappings de ce type, Geos se flatte d’en avoir résolu sept au Nigeria, sans parler des affaires en cours. Ces informations – difficilement vérifiables – ne font pas les gros titres des journaux. La méthode des Français repose sur la connaissance du terrain et des cultures locales, explique Stéphane Gérardin, président de Geos, « ce qui nous différencie des Américains et de leur approche mécanique de la négociation, fondée sur la programmation neurolinguistique [PNL], telle que l’enseigne le FBI. […] L’Américain va se « bunkériser » dans sa « base vie », limitant ses déplacements sécurisés vers son lieu de travail, sans aucune relation avec les nationaux en dehors des autorités, et notamment les forces de l’ordre ». En témoignent les pratiques de Kroll, la société de sécurité américaine, et de Control Risk, son homologue britannique, ainsi que celles des véritables sociétés militaires privées américaines que sont MPRI et Vinnell, présentes au Nigeria.
Autre fait d’armes de Geos ignoré du grand public : à l’été 2000, la société française obtient la restitution d’un cargo marchand – et de son équipage – faisant route vers Madagascar, piraté sur la côte du Puntland, en Somalie, et détourné vers le port de Hafoun. Après un premier contact par radiotéléphone Inmarsat, un ancien du service action de la DGSE parlant le somali se rend sur place pour négocier avec le warlord, le chef de guerre, un ancien des forces de sécurité somaliennes, qu’il avait côtoyé du temps de son séjour à l’ambassade de France à Mogadiscio. Et obtient la libération des dix marins, comme l’en avait mandaté la compagnie d’assurances du navire. « Une gestion de crise » dont se félicite Gérardin, qui a fait le choix de communiquer, fait rare dans le monde feutré des « officines ». Non sans avoir au préalable axé sa communication institutionnelle autour de ses trois métiers : sécurisation du développement international (prévention, veille, intelligence économique), assistance aux expatriés et sécurité (regroupement, évacuation), son activité la plus visible.
Créée en 1997 par Stéphane Gérardin, dotée d’un conseil de surveillance présidé par le général Jean Heinrich, fondateur et ancien patron de la DRM (Direction du renseignement militaire), Geos a réalisé, en 2004, un chiffre d’affaires de 15,6 millions d’euros (18 millions, selon les prévisions, pour l’exercice 2005), dont 30 % sur le continent africain, où il possède quatre bureaux (Alger, Tripoli, Lagos et Abidjan).
Geos ne se définit pas comme une société militaire privée, à la différence de celles, pour la plupart anglo-saxonnes, à l’oeuvre en Irak et qui emploient des corporate soldiers, mercenaires des temps modernes, mais comme une société de sécurité. Et pour cause : la loi française de 2003 interdit le mercenariat. Toujours est-il que ses contractants locaux emploient des gardes armés qui jusqu’ici n’ont pas eu à faire feu… Les clients de Geos sont des entreprises et non des États. À l’exception de la Libye, où, avec l’accord du Quai d’Orsay, elle assure, avec vingt expatriés, la sécurité des sommets africains organisés par Tripoli. En Afrique, Geos entend se démarquer de la filière des anciens du GIGN, l’unité d’élite de la gendarmerie française, au service des gouvernements : Paul Barril avait été nommé à la tête des services antiterroristes de la Centrafrique par l’ex-président Ange-Félix Patassé. Quant à Robert Montoya, sa société, SAS, a équipé la gendarmerie togolaise et décroché le contrat de la mise sur écoute des opposants politiques.
Tout à commencé, en 1993, en Algérie, lorsque Stéphane Gérardin, ancien cadre du service action de la DGSE, rejoint la société Éric SA. En 1998, lorsque deux employés de Schlumberger, le leader mondial du forage pétrolier, sont retrouvés décapités, Gérardin organise lui-même l’audit de sécurité autour de Hassi Messaoud, à quelque 650 km au sud de la capitale. Face à la terreur des islamistes, Alger instaure le « Desertpass », un visa qui permet à l’armée de verrouiller les accès à la région pétrolière. Aujourd’hui, Geos emploie huit expatriés et dix nationaux, et assure la protection des champs pétroliers et des deux pipelines jusqu’à Oran et Skikda. Geos a assisté les expatriés lors de l’explosion de l’usine de Skikda en 2004 et du tremblement de terre de 2003.
Au Tchad, Geos travaille pour le consortium qui regroupe Bouygues, KBR et Cegelec. Elle a sécurisé le chantier mobile de construction de l’oléoduc Doba-Kribi et assure aujourd’hui la sécurité des 3 000 expatriés du bassin pétrolier de Doba. Et a même obtenu des contrats avec des sociétés américaines en Angola, une performance pour une société française étant donné le contexte politique.
À Abidjan, où elle dispose de quinze expatriés et d’une vingtaine d’employés nationaux, Geos a organisé, en 2003, l’évacuation par avion de cent cinquante Français, regroupés à l’hôtel Ivoire, vers Accra, Bamako et Dakar. « La fenêtre d’intervention se situe entre la rupture de la desserte aérienne et l’ordre d’évacuation du gouvernement », explique le président de Geos. En novembre 2004, dès la destruction par l’armée française de l’aviation ivoirienne en riposte au bombardement de positions tricolores à Bouaké, les militaires de Licorne ont pris en charge la sécurité des expatriés. Mais au Togo, au lendemain des élections, suite au sentiment de panique provoqué par la suspension des vols d’Air France, c’est Geos qui a dû organiser l’évacuation de vingt-cinq Français par un bus sécurisé vers Accra.
Geos est également présente en Bolivie, en Colombie et en Géorgie, où elle assure la sécurité de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan.

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