Robert B. Zoellick

Grosse pointure de l’administration Bush, le nouveau président de la Banque mondiale n’en demeure pas moins un fin négociateur qui ne cache pas sa préférence pour le multilatéralisme.

Publié le 5 juin 2007 Lecture : 5 minutes.

Désigné par le président Bush pour remplacer à la tête de la Banque mondiale le 30 juin un Paul Wolfowitz empêtré dans son affaire de népotisme, Robert B. Zoellick est une vraie « pointure » de l’administration Bush. Avec sa petite moustache et ses lunettes perchées sur le bout du nez, on le verrait volontiers en paysan du Middle West, puisqu’il y est né le 25 juillet 1953, plus précisément à Naperville (Illinois). Mais avec sa raie dans les cheveux, sa longue silhouette d’intello et son goût pour le marathon, il était merveilleusement adapté à l’université Harvard, dont il est sorti diplômé en droit de la Kennedy School of Government pour entamer une carrière d’avocat.
Il a conservé tout au long de sa riche carrière cette ambivalence, c’est-à-dire un goût prononcé pour la recherche intellectuelle, qui lui fera diriger un temps le célèbre think-tank The Center for Strategic and International Studies de Washington, et un vrai pragmatisme dont était dépourvu Paul Wolfowitz.
C’est un de ses professeurs de Harvard qui lui ouvre les portes de l’administration Reagan, en 1985. Il sert avec la même ardeur les administrations républicaines sous Bush père et Bush fils. Sa vivacité d’esprit et son travail acharné le font remarquer par celui qui sera son mentor, James Baker, alors secrétaire au Trésor. Il suit celui-ci au département d’État où il devient sous-secrétaire d’État chargé de l’Économie et de l’Agriculture.
À ce titre, il prend une part active à la réunification de l’Allemagne, ce qui lui vaut la gratitude de tous les gouvernements de Berlin. Il pilote la mise en place de l’Alena, le traité de libre-échange nord-américain, car son ambition est de ne plus voir « la moindre barrière douanière de l’Alaska à la Terre de Feu ». En 1992, Bush père le nomme secrétaire général adjoint de la Maison Blanche.
L’arrivée au pouvoir de Bill Clinton le renvoie dans le privé, en 1993. Il devient vice-président de Fannie Mae, l’institution financière du secteur immobilier la plus importante des États-Unis, tout en enseignant à l’Académie navale et à Harvard et en conseillant Goldman Sachs.
La victoire de George W. Bush lui permet de revenir aux affaires pour y assouvir sa vraie passion, le libre-échange, car « dans ce terme, il y a le mot liberté », souligne-t-il. En 2001, il est nommé représentant au commerce. Il y affronte les Européens, dont Pascal Lamy, autre marathonien, alors commissaire au Commerce, avec lequel il se bagarrera à propos de bananes, d’acier ou d’Airbus. Ils feront aussi équipe pour relancer le cycle de Doha et préparer l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
En 2005, Condoleezza Rice lui demande de devenir son adjoint au secrétariat d’État, alors qu’il aurait préféré – déjà – la présidence de la Banque mondiale. Mais il ne trouve pas sa place aux côtés de Condie et ne parvient pas à avoir la haute main sur le dossier du Darfour. Il rate le poste de secrétaire au Trésor. Il démissionne un an plus tard pour rejoindre le cabinet Goldman Sachs, en 2006. L’échec de Paul Wolfowitz le propulse à la tête de la Banque mondiale, qui est devenue très méfiante à l’égard de la droite américaine dont il est issu.
On l’a dit « néocon », puisqu’en 1998 il avait signé avec Donald Rumsfeld et Richard Perle un texte appelant à renverser Saddam Hussein élaboré par le think-tank Project for the New American Century. Durant la campagne électorale de George W. Bush de 2000, il lui avait servi de conseiller en politique étrangère au sein du groupe des « Vulcains » créé par Condoleezza Rice. Au moment de l’embrouillamini du dépouillement du scrutin en Floride, il participa au recompte des voix et contribua ainsi avec James Baker à la victoire de leur candidat.
En fait, Bob Zoellick est un conservateur pragmatique. Il ne cache pas sa préférence pour le multilatéralisme, pour la coopération internationale et l’aide au développement, toutes choses qui hérissent les néocons purs et durs. En témoigne Pascal Lamy, devenu directeur général de l’OMC, qui disait, en 2004, après un affrontement particulièrement rude avec son alter ego américain sur le dossier Boeing-Airbus : « Ils ont voulu mettre les colts sur la table ? Eh bien, on fait pareil. » Mais qui lui rend aujourd’hui hommage en ces termes : « J’ai toujours apprécié son talent d’artisan du consensus et sa capacité à tendre la main aux pays en développement. »
Robert Zoellick ne sera pas pour autant accueilli à bras ouverts par son personnel. Car ils sont nombreux à souscrire à la critique formulée par le ministre brésilien des Finances Guido Mantega ou le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, qui estiment que la mainmise des États-Unis sur la présidence de la Banque est un anachronisme qui nuit à la légitimité de l’institution. La présidente chilienne Michelle Bachelet a enfoncé le clou, le 30 mai, en critiquant ce monopole américain ; selon elle, le président de la Banque devrait être désigné en fonction de ses compétences et non de sa nationalité.
Première tâche du futur président de la Banque mondiale ? « Calmer les choses », a-t-il déclaré, car l’institution « vient de traverser une période traumatisante ». Il s’agira aussi « d’établir un consensus sur la direction dans laquelle la Banque doit aller ». En effet, il a beaucoup été reproché à Paul Wolfowitz de ne pas avoir élaboré de stratégie, hormis la lutte contre la corruption. Car la Banque n’a plus le monopole de la distribution de l’aide mondiale et sa vingtaine de milliards de dollars donnés ou prêtés chaque année impressionne moins en regard des fonds dédiés à la santé dans les pays pauvres (IFFIm britannique ou « taxe Chirac » sur les billets d’avion) et des fondations privées (Bill Gates ou George Soros). Une réflexion s’impose d’urgence pour utiliser au mieux l’expertise de la Banque en matière de développement et de coordination de l’aide internationale.
Dès qu’il sera en fonction, Bob Zoellick devra prendre son bâton de pèlerin pour demander aux pays développés de lui donner les 25 milliards de dollars dont la Banque a besoin, durant les trois prochaines années, afin d’accélérer autant que faire se peut la croissance économique et humaine des pays les moins avancés de la planète. Ce sera sûrement moins musclé que de persuader les Mexicains ou les Européens de libéraliser leur commerce, mais pas forcément plus facile à obtenir.

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