Petits arrangements entre amis

Le 29 mai, la rencontre Blair-Kadhafi a été aussi chaleureuse que mercantile. Comme quoi, tout s’achète, même les droits de l’homme

Publié le 5 juin 2007 Lecture : 2 minutes.

Dans le cadre de ses interminables adieux au monde des grands, le futur ex-Premier ministre Tony Blair, qui, le 27 juin, quittera définitivement le 10, Downing Street, avait prévu de se rendre en Afrique pour y délivrer un triple testament : politique en Afrique du Sud, humanitaire en Sierra Leone et commercial en Libye. Cette dernière étape de sa tournée (qui fut, chronologiquement, la première, le 29 mai) a naturellement été la plus remarquée.
Pour leur second séjour en Jamahiriya depuis ?le retour de ce pays dans le giron des nations « fréquentables », en 2003, Tony et Cherie Blair n’ont pas hésité à se rendre à Syrte pour y goûter, sous la tente, les joies de l’hospitalité Kadhafienne. Deux heures d’entretien, un dîner aux chandelles et un Blair ravi annonçant à l’issue des agapes que « Mouammar » et lui avaient décidé de s’appeler par leurs prénoms, de garder le contact et d’uvrer de concert à ce que la relation « complètement métamorphosée » (sic) entre leurs deux pays ne connaisse plus aucun nuage.
Une visite à forte odeur de pétrole (voir ci-dessus), mais aussi de poudre. Blair, qui avait emmené avec lui le patron du fabricant de missiles MBDA – un consortium européen dont le britannique BAE est l’actionnaire principal -, a posé les jalons d’un marché juteux : celui du renouvellement complet du système de contrôle et de défense antiaérien de la Libye. Depuis la levée de l’embargo, en 2004, le Kadhafiland est l’un des nouveaux eldorados des marchands d’armes : Russes, Français, Allemands, Italiens et Américains s’y sont déjà rués. Mais les Britanniques conservent une longueur d’avance.
Courtisé, le « Guide » l’est aussi à titre personnel, pour des motifs plus politiques : son pays est la porte de sortie pour les milliers de migrants qui s’embarquent sur des esquifs de fortune à destination de l’Europe, et l’une des clés de l’Union de la Méditerranée que le président français Nicolas Sarkozy entend mettre en place. Fin mai, le nouvel hôte de l’Élysée a d’ailleurs téléphoné à ce sujet à son homologue de Bab Aziziya. Sans attendre, par exemple, le règlement de l’affaire des infirmières bulgares et du médecin palestinien détenus depuis plus de huit ans et sur le sort desquels un accord semble enfin en bonne voie sous le parrainage conjoint de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Et sans attendre, bien sûr, que le régime libyen ait donné le moindre signe d’assouplissement interne.
Le Financial Times, de Londres, pourtant sensible aux intérêts des milieux d’affaires, appelait il y a quelques jours les Occidentaux à faire preuve d’un peu de retenue, sinon de pudeur, envers un pays dont le bilan en matière de droits de l’homme est « lamentable », où les citoyens ne jouissent d’aucune liberté d’expression et d’association, et dont le chef est « notoirement autocratique, imprévisible et autoritaire ». Mais que pèse le sort des Libyens face aux appétits économiques ? Avant de recevoir Tony Blair sous sa tente, nul doute que Mouammar Kadhafi, qui est tout sauf un naïf, s’est demandé, comme à chaque visite d’un haut responsable européen ou américain : « Celui-là, combien vaut-il ? »

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