« Nous produisons n’importe quoi, n’importe où »

Publié le 5 juin 2007 Lecture : 1 minute.

Le responsable du département des sciences humaines de l’Institut agronomique Hassan-II, Najib Akesbi, est en colère. « La politique de construction de barrages menée entre 1965 et 1985 a été un échec, estime-t-il. Il s’agissait de développer l’irrigation afin de produire des cultures commerciales capables de se substituer aux importations, comme la betterave (pour le sucre), le fourrage (pour la production laitière) ou le tournesol (pour l’huile). Le défaut de cette politique est qu’elle a été extrêmement sélective et a provoqué de graves disparités entre les zones irriguées et financièrement aidées et les autres. 90 % de la surface agricole ayant été laissée à l’abandon, le monde rural s’est enfoncé dans le sous-développement. »
De 1985 à 1995, l’« ajustement structurel » demandé par la Banque mondiale et le FMI afin de redresser les comptes du Maroc, alors au bord de la banqueroute, a été catastrophique pour l’agriculture marocaine. À en croire Akesbi, « la déréglementation, l’ouverture des marchés à la concurrence, sans aucune protection, et le désengagement de l’État ont provoqué des dégâts monumentaux ».
Depuis, l’ouverture des marchés agricoles s’est poursuivie, sans que soient réformés les circuits de commercialisation et les régimes fonciers, ni résolu le problème de l’approvisionnement en intrants (engrais, pesticides, etc.). « Bien qu’étant très mal armés pour affronter la concurrence, nous avons tout de même signé des accords de libre-échange », regrette Akesbi. Par ailleurs, la planification fait très largement défaut. « Nous n’avons que 9 millions d’ha cultivables, mais chacun continue de planter ce qui l’arrange. Le Maroc produit n’importe quoi, n’importe où, sans tenir compte des caractéristiques des sols et des aléas de la pluviosité. »
Autre sujet d’indignation : l’exonération fiscale totale des revenus agricoles jusqu’en 2010. « Même quand l’entreprise est rentable, commente notre interlocuteur, ce n’est pas seulement injuste, c’est imbécile, car cette exonération aveugle empêche de mener une politique ciblée, par exemple en faveur du développement de l’olivier, plus adapté au Maroc que les céréales. »

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