« Nos ingénieurs sont très demandés »

Pour Youssef Souli, spécialiste du recrutement, les cadres tunisiens sont si performants qu’on se les arrache, y compris dans les pays voisins.

Publié le 5 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Youssef Souli est un « chasseur de têtes ». Ses clients, qu’il n’a pas le droit de citer, clause de confidentialité oblige, sont des multinationales qui s’implantent au Maghreb, mais aussi des grands groupes locaux, qui recherchent des « profils rares », des compétences pointues, pour développer leurs marchés. Sa méthode se nomme : l’approche directe. Les candidats qu’il identifie et contacte, grâce à son carnet d’adresses, peuvent être basés n’importe où, pas forcément en Tunisie. En langage footballistique, on dirait qu’il organise des transferts. Le Maghreb n’échappe pas à la tendance mondiale : les cadres deviennent de plus en plus mobiles. Entretien avec le directeur général du cabinet WorkoSolutions, basé à Tunis et dédié au recrutement de cadres et de dirigeants en Afrique du Nord.

Jeune Afrique : Les firmes investissant dans les technologies de l’information (TI) se plaignent souvent de la difficulté qu’elles éprouvent à recruter des ingénieurs. Pourtant, la Tunisie forme beaucoup de diplômés en informatique, dont chacun reconnaît la valeur. D’où vient le problème ?
Youssef Souli : Il faut distinguer deux phénomènes. D’abord – c’est vrai dans tous les pays du monde -, la demande est supérieure à l’offre, car les TI sont en plein essor. Ensuite, s’agissant de la Tunisie, c’est vrai que les ingénieurs en développement sont très bons et très demandés. L’existence de ce vivier relativement bon marché incite les entreprises étrangères à s’implanter. Mais au bout de deux ou trois ans d’expérience réussie, nos ingénieurs regardent vers l’international pour donner un coup d’accélérateur à leur carrière, car on leur offrira de meilleures conditions matérielles. Et souvent ils se laissent débaucher, d’où un taux de turn-over assez élevé au sein des entreprises. Le marché du travail s’est mondialisé
Quels sont les autres secteurs porteurs, ceux pour lesquels vous recevez le plus de demandes ?
La santé. Les firmes tablent sur une forte croissance des ventes de matériel médical et pharmaceutique au Maghreb, et en Afrique noire francophone, car les gouvernements, qui mettent progressivement en place des systèmes d’assurance-maladie, équipent les hôpitaux en matériel lourd, type scanners ou IRM (imagerie par résonance magnétique). À cela s’ajoutent les cliniques privées, dont l’activité, en Tunisie, est dopée par le tourisme médical. Beaucoup d’entreprises ouvrent désormais des bureaux de liaison, des représentations commerciales, afin de développer le marché maghrébin. L’effervescence touche aussi l’hôtellerie, des hôtels pharaoniques sont en construction en Libye ; l’Algérie, qui accuse un déficit en matière d’hébergement, s’équipe, les profils des managers tunisiens et marocains sont très demandés en ce moment.
Justement, quelles sont les compétences les plus recherchées, et pourquoi ?
Les sociétés, qu’elles soient locales ou étrangères, raisonnent global : elles veulent des compétences aptes à communiquer dans les trois langues d’affaires que sont l’arabe, le français et l’anglais, et qui ont une expérience internationale. La Tunisie est un petit marché, arrivé à maturité dans nombre de secteurs. Les entreprises tunisiennes sont dans l’obligation de s’attaquer aux marchés du Maghreb et de l’Afrique noire francophone, d’y décrocher des contrats, pour assurer leur croissance. Les sociétés étrangères investissent en Tunisie, car il y existe des opportunités, mais également parce que ce pays va leur servir de plate-forme maghrébine, voire africaine. Les recruteurs vont s’arracher à prix d’or un profil polyglotte et ayant une bonne connaissance des marchés voisins et africains.
De plus en plus de Tunisiens rêvent de s’expatrier à Dubaï ou aux Émirats, où les salaires sont mirobolants et les opportunités nombreuses
On note une vraie euphorie pour le Moyen-Orient. Les Émiratis mènent une campagne marketing très réussie, et, dans l’esprit des diplômés, Dubaï a un peu pris la place qu’occupait le Canada il y a une dizaine d’années : celle d’un eldorado. Attention aux mauvaises surprises ! Gagner 3 000 à 4 000 dollars aux Émirats peut s’avérer moins intéressant que 1 500 à 2 000 dinars en Tunisie, car on vivra loin de sa famille, on peut perdre des avantages en termes de couverture sociale, et le coût de la vie est beaucoup plus élevé. Mais si on part dans de bonnes conditions, tout le monde y gagne : l’individu et le pays, car l’expatrié pourra servir de pont entre la Tunisie et les Émirats, et alerter, grâce à sa connaissance du marché, les entreprises tunisiennes sur les opportunités existantes.

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