Michel Kazatchkine, diplomate de la santé

Élu le 23 avril, le nouveau directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose dresse ses priorités pour la bonne marche du Fonds. Et le salut de l’humanité.

Publié le 5 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

« Je dois cesser les consultations. » Voilà peut-être le seul aspect négatif de la nouvelle vie du professeur Michel Kazatchkine. Depuis 1983 et sa première confrontation avec le VIH, cet immunologiste a toujours préservé quelques heures hebdomadaires pour ses patients et ses étudiants. Mais après avoir dirigé l’Agence nationale de lutte contre le sida de 1998 à 2005, puis représenté la France en tant qu’ambassadeur chargé de la lutte contre le sida et les maladies transmissibles, le voilà, depuis le 23 avril, directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, basé à Genève.
Connu pour ses indéniables compétences, son éthique irréprochable, sa disponibilité et son écoute, le nouveau directeur est accueilli avec un plaisir non feint par le conseil d’administration de l’institution. Il faut dire que ce fringant sexagénaire connaît bien le Fonds : il en a présidé le conseil scientifique de sa création, en 2002, jusqu’en 2005, uvrant à l’élaboration des processus rigoureux et transparents d’évaluation des programmes. Puis il a assuré, de 2005 à 2006, la vice-présidence de son conseil d’administration.
Aujourd’hui, Kazatchkine dresse trois priorités pour la bonne marche du Fonds. D’abord, l’augmentation et la pérennisation des ressources. « Nous visons l’accès universel aux traitements contre le sida en 2010, souligne-t-il. Nous avons donc besoin d’accroître les dépenses actuelles, qui se situent entre 1,5 et 2 milliards de dollars par an. » Pour le nouveau directeur, « on ne peut pas prôner l’accès universel sans tabler sur l’estimation haute », entre 8 et 10 milliards de dollars annuels. Outre l’augmentation des fonds, il convient d’envisager leur pérennisation. Car les pays ont des logiques budgétaires soumises chaque année au vote de leurs élus. Mais le professeur rappelle l’engagement du président Jacques Chirac, qui a porté à 300 millions d’euros la part de la contribution française au Fonds mondial : « Ses successeurs ne pourront pas faire moins. »
Deuxième priorité, la création de partenariats, clé de l’avenir, que Kazatchkine souhaite renforcer au cours de ses cinq années de mandat. « Nous ne développons pas de programmes, explique-t-il. Nous les finançons. Mais si les pays n’ont pas les moyens de les réaliser » Les autres agences des Nations unies ou les grandes fondations pourraient, elles, apporter un soutien aux États pour la mise en place des programmes. Mais en local, afin de respecter les spécificités épidémiques, politiques, économiques et culturelles de chacun.
Dernier défi du directeur exécutif : pacifier le Fonds, qui emploie trois cents personnes et où le turn-over est particulièrement important. La gestion humaine et administrative de son prédécesseur a d’ailleurs été quelque peu « critiquée ». Dans les mois qui viennent, Kazatchkine commandera un audit structurel et managérial pour ensuite entamer des réformes de base.
Le professeur a de grandes ambitions pour la structure. En aucune manière pour en tirer une gloire personnelle. Car si l’homme est ambitieux, c’est uniquement pour l’humanité. Il croit depuis toujours à l’utilité d’une telle structure de financement, simplement parce qu’il y voit des bénéfices indiscutables pour les populations. Calme et réfléchi, il ne s’est jamais départi des émotions qui animent les soignants confrontés à l’épidémie de sida. « Je ne décolérerai pas sur ce sujet », dit-il, parlant du prix des traitements de seconde ligne contre le sida, dont certains coûtent trop chers pour être accessibles à ceux qui en ont le plus besoin. Une colère contenue, argumentée et raisonnée : « Il faut de l’argent pour investir dans la recherche, assène-t-il. La diplomatie internationale de la santé doit apporter des modèles alternatifs à celui de la propriété intellectuelle, qui a ses justifications mais aussi ses limites. Nous devons faire preuve de créativité, comme ce fut le cas dans l’environnement, par exemple. Il nous faut des accords de Kyoto de la santé, des modèles de co-investissements, comme cela a été initié avec le Coarsucam dans le paludisme. » La direction exécutive du Fonds mondial est, pour le professeur Kazatchkine, un moyen de faciliter l’accès à la santé pour tous, non une fin en soi.

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