Le coup de pub de l’émir

Publié le 5 juin 2007 Lecture : 2 minutes.

Comment améliorer l’image de marque pour le moins négative des leaders arabes et musulmans, tant au sein de l’opinion mondiale qu’auprès de leurs propres sujets ? Deux réponses, tâtonnantes et presque pathétiques, illustrent le réveil tardif de dirigeants jusqu’ici impuissants à changer leur mode de gouvernance.
La première, spectaculaire, privilégie l’effet d’annonce. À coups de pages entières de publicité achetées dans des journaux européens et américains, le cheikh Mohamed Ben Rachid al-Maktoum, émir de Dubaï jusqu’ici surtout connu pour sa passion des chevaux de course, sa fortune colossale (14 milliards de dollars), ses talents de poète et la success-story économique de son petit pays, annonce en ce début du mois de juin le lancement d’une fondation qui porte son nom. Dot initiale : 10 milliards de dollars, pas moins. Objectif : créer des centres de recherche partout dans le monde arabe, attribuer des bourses d’études, promouvoir l’éducation et le savoir ; bref, « faire naître une génération de leaders arabes de classe mondiale ».
L’initiative avait été lancée, le 19 mai en Jordanie, par ce même cheikh al-Maktoum, au cours d’un discours remarqué devant le Forum économique mondial sur le Moyen-Orient. Le dirigeant émirati y avait dressé un constat sans complaisance de la situation sociale et intellectuelle du monde arabe : 14 % de taux de chômage, 15 millions d’emplois à créer immédiatement, 0,08 % des livres édités dans le monde (soit moins que la seule Turquie), 3 diplômés du supérieur pour 10 000 habitants (contre 110 en Occident), 0,02 % du PNB consacré à la recherche (entre 2,5 % et 5 % en Occident), etc.
D’où les 10 milliards de dollars claironnés dans les médias euro-américains, dont nul ne sait pour l’instant comment et dans quel cadre ils vont être dépensés (il suffit de visiter le site, pour le moins sommaire, de la fondation pour s’en convaincre) et dont le montant seul tient lieu de programme. En communiquant ainsi sur ce chiffre mirobolant, le maître de Dubaï ne fait que mettre en exergue ce qu’il voudrait voir disparaître : la désastreuse association d’images entre les émirs du Golfe, le tsunami de pétrodollars qui les submerge et la grande précarité des « masses arabes ».
Autre réponse à cette impuissance : le colloque. Réunis en Malaisie pour la 3e édition d’un autre forum économique – islamique, celui-là -, d’autres dirigeants et intellectuels ont planché, fin mai, sur le thème : « Comment modifier le regard négatif ou hostile du monde non musulman sur le monde musulman. » Même exercice d’autocritique lucide et constat identique – les 10 milliards en moins. Le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a ainsi jugé « incompréhensible » que les pays musulmans, qui fournissent à la planète plus des deux tiers de ses besoins en énergie, ne profitent pas de cette situation pour « accéder au savoir et à la technologie ». Troublant, en effet. À cette question, le Cheikh al-Maktoum apporte sa solution : la publicité.

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